LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JANVIER

Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir

Lectrice, lecteur, réjouissons-nous !

Votre Bulletin Culturel franchit allègrement le cap de quatre années de publication. Ailleurs, tout aussi hardiment, on dépouille notre patrimoine. Pour retrouver sa quiétude, le Louvre se voit notifier le doublement de ses cordons rouges, le triplement de ses rondes d’arquebusiers, l’excavation de ses anciennes douves… Mais Noël nous rappelle inlassablement cet événement constant et capital : le début d'une nouvelle vie. De nombreux projets d’édition sont apparus en 2025, portés par L’An Demain et Audasud qui clôture l’année avec la Dernière Cène de Leonardo da Vinci et ses ultimes secrets révélés. 2026 s’annonce tout aussi prolifique, poussée par une obsession de donner à voir, à lire… à partager ! D’ici là, bien du bonheur chez vous, et que la nouvelle année vous soit capiteuse.

Jean-Renaud Cuaz

GUIMET+ MONTPELLIER

Jusqu’au 1er novembre 2026

Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran - Musée Fabre


Bienvenue à Guimet+ Montpellier ! Le musée Fabre entrouvre une fenêtre, et c’est tout un continent qui s’invite à Montpellier. À l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, l’exposition inaugurale du dispositif Guimet+ déploie une trentaine de pièces majeures qui racontent la Chine sur le temps long : bronzes archaïques à la gravité souveraine, jades finement sculptés, porcelaines impériales Ming et Qing, impeccables de retenue. Le parcours, pensé comme une expérience sensorielle plus que comme un cours magistral, explore de grandes constantes universelles — le prestige, le sacré, la beauté, la transgression — et laisse au visiteur le soin de tisser ses propres correspondances. Le cadre, élégant hôtel particulier de la fin du XIXᵉ siècle, joue les passeurs discrets entre les époques et les géographies.

Cette première étape d’un partenariat national de quatre ans avec le musée Guimet promet une cartographie culturelle élargie, du monde chinois au Japon, à l’Inde et à l’Himalaya. En filigrane, l’hommage rendu à l’artiste montpelliéraine Colette Richarme, née dans l’Empire du Milieu, rappelle que les voyages les plus lointains commencent parfois à domicile, dans le regard attentif posé sur l’autre. Photo : Laozi assis, période dynastie Ming (1368-1644), bronze doré © Grand Palais RMN/Thierry Ollivier


Du mardi au dimanche 14h-18h

Contact 04 67 14 83 00

Billetterie


Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran

 6 rue Montpelliéret, Montpellier

Julien Barriol :  Overwrite

Jusqu’au 31 janvier

Sothebys Realty à Montpellier


Avec Overwrite, Julien Barriol fait du recouvrement un geste de mémoire. Ses œuvres fonctionnent comme des palimpsestes visuels où chaque couche, sans effacer la précédente, en conserve la trace. Inspiré à la fois par le code informatique et les écritures anciennes, l’artiste invente un système de signes graphiques proche d’un langage muet. Fragments d’œuvres publiques, surfaces poncées, superposées ou sculptées, triptyque monumental et totem de bois composent une archéologie de la matière et de la ville. Présentée par Montpellier Sotheby’s International Realty dans le cadre des 3 Art Days – Fall Edition, l’exposition transforme, le temps de trois jours, l’agence en galerie éphémère. Un rendez-vous où mémoire, matière et sobriété se superposent sans jamais se biffer.


Entrée 9h30-12h30 et 14h-18h sur rendez-vous

Exposition curatée par @matt.faurie.icymi 

Le site de l’artiste


Sotheby’s International Realty

3 rue Foch, Montpellier

Falstaff

Du 7 au 13 janvier

Opéra Orchestre National à Montpellier


Ultime chef-d’œuvre de Giuseppe Verdi, Falstaff voit le jour en 1893 à la Scala de Milan, nourri de l’esprit irrévérencieux de Shakespeare et d’une morale limpide : le monde entier est une farce. Comédie lyrique en trois actes, l’opéra enchaîne intrigues, quiproquos et déguisements dans une satire joyeusement cruelle des travers humains, et d’une masculinité aussi risible que toxique. À Montpellier, la mise en scène alerte de David Hermann souligne le burlesque sans sacrifier la finesse. Dans la fosse, l’Orchestre et le Chœur national Montpellier, dirigés par un Michael Schønwandt ouvertement familier de l’œuvre, déploient une énergie jubilatoire. Une distribution solide complète cette invitation à commencer l’année en riant, intelligemment. Photo : Falstaff © Marc Ginot


Plus d’infos : opera-orchestre-montpellier.fr
Contact
04 67 60 19 99

Billetterie


Opéra Orchestre National

11 boulevard Victor Hugo, Montpellier

À Vincent : un conte d’hiver

Jusqu’au 21 avril

Fondation Van Gogh à Arles


Nouveau directeur de la Fondation Van Gogh d’Arles, Jean de Loisy inaugure son mandat par une exposition placée sous le signe de la correspondance, thème idéal pour dialoguer avec l’œuvre de Vincent van Gogh, grand épistolier tourmenté. Autour de deux toiles majeures, dont les Tournesols fanés, lettres manuscrites et éditions historiques rappellent combien l’écriture fut, pour le peintre, lien vital et moteur de création. L’exposition réunit plus de vingt artistes contemporains, vivants ou historiques, dont les œuvres fonctionnent comme autant de lettres plastiques adressées à Van Gogh. Portrait, paysage, solitude ou amitié structurent ce chœur polyphonique, où se croisent Anselm Kiefer, Rineke Dijkstra, Wolfgang Tillmans ou Simone Fattal. Une manière fidèle d’honorer le vœu de Van Gogh, un anneau dans la chaîne des artistes.


Mardi à dimanche 10h-18h

Visites commentées à 11h les jours ouverts (gratuit, sans réservation)
Durée 45 min / Limité à dix personnes
Selon l’activité, certaines visites peuvent être annulées
Information
04 88 65 82 93

Billetterie


Fondation Vincent Van Gogh

35 rue du Docteur Fanton, Arles

Les Frères Cloutier

Jusqu’au 15 janvier

Cabinet Occitanie Art Expertise à Lunel


Le Cabinet Occitanie art Expertise consacre une exposition aux frères Cloutier, figures majeures et singulières de la céramique du XXᵉ siècle. Présentée à Lunel, la sélection réunit un ensemble rare de pièces issues directement du fonds familial, confiées par Arnaud Cloutier, offrant une occasion précieuse d’approcher l’œuvre dans sa plus stricte provenance. Jean et Robert Cloutier ont développé un univers reconnaissable entre tous : formes anthropomorphes, bestiaire fantastique, objets totémiques et ce fameux émail rouge devenu leur signature. Installés à Marsillargues à la fin des années 1970, ils ont inscrit une part essentielle de leur création en Occitanie. Vases sculpturaux, œuvres de maturité et pièces décoratives composent un parcours resserré, fidèle à l’intensité et à la cohérence de leur démarche.


Mardi, mercredi, jeudi 10h-19h

Vendredi 10h-18h30

Contact 04 67 17 19 40


Cabinet Occitanie Art Expertise

26 place de la République, Lunel

Clara Castagné
Jusqu’au 18 janvier

Chapelle du Quartier Haut à Sète


Clara Castagné ne lit pas l’avenir dans les cartes, elle les habite. Peignant et dessinant sur d’anciens atlas scolaires, elle détourne ces supports familiers de leur fonction première pour en révéler le pouvoir imaginaire. Frontières et tracés deviennent coiffes, silhouettes ou attributs, donnant naissance à des figures féminines hiératiques, parfois dédoublées, qui semblent surgir d’une mémoire collective. Le contraste d’échelle frappe : visages et corps à taille humaine dialoguent avec une cartographie réduite à l’essentiel, presque enfantine. Chaque carte impose son récit — marin, pirate, famille ou allégorie — et guide le motif. Clara Castagné privilégie le dessin, laissant les couleurs du support affleurer. De ces surfaces anciennes émergent des figures à la fois mythologiques et contemporaines, discrètement réconciliatrices.


Ouvert 10h-18h tous les jours sauf mardi

Contact 04 99 02 87 62


Chapelle du Quartier Haut

2-10 rue Borne, Sète

Jazz à Bayssan

Adrien Moignard :  Gipsy 4tet

Baptiste Herbin Trio :  Django !

Vendredi 30 janvier à 20h

Théâtre Michel Galabru à Béziers


La soirée s’ouvre sur Adrien Moignard Gipsy 4tet, projet ancré dans la grande tradition du jazz manouche. Guitariste phare de sa génération, Moignard, accompagné de Benji Winterstein, Julien Cattiaux et Fabricio Nicolas-Garcia, mêle standards revisités, compositions originales et arrangements contemporains avec virtuosité et raffinement.

Suit Baptiste Herbin, saxophone alto, qui propose une réinterprétation audacieuse de Django Reinhardt, sans guitare ni piano, soutenu par Sylvain Romano à la contrebasse et André Ceccarelli à la batterie. Nommé aux Victoires du Jazz et lauréat du Prix de l’Académie Charles Cros, Herbin livre un hommage vibrant, salué par la critique, où liberté et virtuosité se conjuguent pour réinventer l’univers du maître du swing manouche.


Réservation obligatoire

Contact 04 67 28 37 32


Domaine de Bayssan

Route de Vendres, Béziers

David Klo :  Le Bal des Paradoxes

Jusqu’au 20 janvier

Galerie Up Side Town à Montpellier


La galerie Up Side Town à Montpellier présente Le Bal des Paradoxes de David Klo, réunissant près de cinquante œuvres jusqu’au 20 janvier. Entre photographie, collage, peinture et matière numérique, l’artiste explore la fragilité de nos équilibres quotidiens. Ni tout à fait documentaire ni entièrement fictionnel, son travail s’appuie sur plus de trente ans d’archives visuelles et sonores, instaurant une tension entre vrai et presque vrai. L’exposition s’articule en six ensembles — paysages, villes et visages, corps et désirs, vertiges, eau et ciel — où routes, mers et figures anonymes deviennent autant d’espaces mentaux. Formats variés et fragments poétiques composent une chronique sensible où doute, chaos et émotion deviennent langage, révélant un univers suspendu entre équilibre et vertige.


Ouvert mardi, mercredi, vendredi, samedi 11h30-19h

Plus d’infos

Contact 04 49 07 84 13


Galerie Up Side Town

4 rue Fournarie, Montpellier

Vivian Suler et Felipe Romero Beltran

Jusqu’au 29 mars

Carré d’Art à Nîmes


Deux expositions sud-américaines se répondent à Carré d’art. D’un côté, Viviane Suter déploie une profusion de toiles et collages, suspendus, empilés ou étalés au sol, célébrant la nature guatémaltèque et la matière vivante. Formes abstraites, parfois récurrentes, s’entrelacent dans un paradis visuel où générosité et hybridité s’imposent, incluant des œuvres tardives de sa mère Elisabeth Wild. De l’autre, Felipe Romero Beltran documente la vie des migrants au Rio Bravo. Photos et vidéos captent corps, lieux et gestes du quotidien, mêlant sobriété et rigueur classique. Entre présence et absence, permanence et passage, ces deux générations offrent deux visions contrastées : l’une immersive et colorée, l’autre réaliste et brûlante, mais toutes deux profondément humaines.


Ouvert du mardi au dimanche

Contact 04 66 76 35 70


Carré d’Art

16 Place de la Maison Carrée, Nîmes

Japon. Histoire de caractères
Jusqu’au 4 janvier

Musée Champollion à Figeac


Sous les voûtes du musée Champollion, Japon, histoire de caractères transforme l’écriture en voyage. Quatre artistes explorent la métamorphose du signe en art : Masaki Saito ressuscite le Tenkoku, chaque sceau devenant sculpture de sens ; Yoko Amiel incarne la pensée dans le souffle du sôsho cursif ; Unokichi Tachibana fait renaître l’exubérance graphique de l’époque d’Edo ; Taro Fukushika projette l’écriture dans la rue et la couleur, transformant le geste en émotion immédiate. Entre tradition et invention, le musée de Figeac tisse un lien sensible entre main, mémoire et esprit, célébrant la beauté du geste et la danse silencieuse qui relie la pensée à la main.


Ouvert tous les jours 14h-17h30 sauf le lundi

Contact 05 65 50 31 08

accueil1musee@ville-figeac.fr

musée-champollion.fr


Musée Champollion

Place Champollion, Figeac

Directeur de la publication : Jean-Renaud Cuaz
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par Jean-Renaud Cuaz 29 novembre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE DÉCEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 13 novembre 2025
De l’obscurité des music-halls à l’obscurantisme des mollah, des Parapluies de Cherbourg aux machettes de boucher, des Tontons flingueurs aux massacreurs du Bataclan… il n’aura fallu qu’une soixantaine d’années. Les justaucorps jacquard et chapeaux melon ont fait place aux amples cafetans et coiffures d’imam qui peinent à cacher le sang d’un islamofrérisme rampant et son faux frère, l’islamo-gauchisme. Il y a quatre-vingts ans, la guerre, lassée de tant de vacarme, s’en est allée finir ailleurs. Les ondes radiophoniques, jusque-là traumatisées par les sirènes, reprennent du service : elles décident de diffuser autre chose que des alertes. Le 26 mai 1945 , on cherche un quatuor vocal pour mettre un peu de facétie. Quatre jeunes gens se présentent, aussi dégingandés qu’enthousiastes. On leur demande leur nom : ils n’en ont pas. — Appelez-nous les Frères Quelque Chose , proposent-ils avec modestie. Un technicien, homme d’un grand sens du hasard, s’écrie Les Frères Jacques ! Et l’affaire est faite, aussi vite qu’un jeu de mots en goguette. Le nom fleure bon la chanson enfantine et la plaisanterie potache, parfait pour faire les pitres avec gravité. Ils chantent, gesticulent, font le Jacques avec l’élégance d’un sémaphore en délire. Un soir, entre deux refrains et trois nœuds papillon, ils croisent Francis Blanche, qui leur écrit des textes où l’intelligence fait des claquettes. Leur premier répertoire ? Un buffet à volonté : folklore, negro spirituals, chants religieux, le tout saupoudré de synchronisation labiale approximative. En 1948 sort leur premier 78 tours, à une époque où la musique tournait plus lentement et durait plus longtemps. Le succès vient, trébuchant mais poli, et c’est Jacques Canetti qui, tel un bon génie en complet sombre, les propulse dans la lumière des projecteurs. Les voilà chantant sur des ondes enfin réconciliées avec l’humanité. Le 3 janvier 1982, un drame national — que dis-je, cosmique — s’est joué au Théâtre de l’Ouest parisien : les Frères Jacques ont décidé d’arrêter de chanter. Les âmes sensibles ont aussitôt crié au scandale, les autres ont continué à mâcher leur cacahuète, car c’était un dimanche. À la fin du spectacle, quatre chapeaux comiques ont salué le public avant de disparaître dans les coulisses. On raconte qu’ils se sont séparés pour vaquer à leurs occupations. J’en ai interrogé un : il comptait élever des silences en batterie. Un autre envisageait d’ouvrir un magasin de chaussettes pour mains, parce que les gants, c’est surfait . Pendant ce temps, leur pianiste Pierre Philippe, brave homme à doigts multiples, a décidé en 1995 de donner son dernier concert... à Saint-Bouize. Lieu prédestiné, car Saint-Bouize, comme son nom l’indique, est la capitale mondiale du soupir discret. En 1996, au Casino de Paris, on leur rend hommage. Cinq-mille spectateurs émus, pas une seule caméra. C’est dire si la télévision sait se tenir. Elle préfère filmer des débats sur la cuisson du flan plutôt que la gloire des artistes. Les années filent ensuite comme des croches sans mesure. Jean-Denis Malclès, tailleur en habits d’humour, quitte ce monde en 2002. François Soubeyran le suit de près, sans doute pour vérifier les coutures de ses ailes. Puis les frères Bellec s’en vont, l’un après l’autre, avec une ponctualité presque suisse. Paul Tourenne, fidèle jusqu’à la dernière note, s’éclipse en 2016 à Montréal — preuve que même les Jacques ont besoin d’un peu d’exil pour mourir tranquilles. Enfin, Hubert Degex, le dernier pianiste, rend les touches en 2021, à 92 ans, après avoir sans doute trouvé une partition d’éternité en ré majeur.
 La Bibliothèque historique de la Ville de Paris conserve leurs chapeaux, leurs partitions et même leurs coupures de presse — tout ce qu’il faut pour organiser un sabbat érudit. Il ne manque que le son de leurs voix et le rire suspendu entre deux couplets. Leur répertoire, quant à lui, relève de la haute voltige intellectuelle : ils ont tout chanté, du général Castagnetas à la confiture , du Complexe de la truite (de Schubert) au derrière du peuple (voir La Digue du cul , œuvre d’intérêt public). Ils ont prouvé qu’on pouvait philosopher en collant des grimaces sur des vers de Prévert, et pleurer d’émotion tout en chantant des sottises. Ainsi s’achève cette chronique du souvenir. Les Frères Jacques ? Des poètes de velours à la boutonnière, des funambules du calembour, des anges qui savaient rimer avec dingue . Et s’ils nous entendent — là-haut, dans la stratosphère mélodique — qu’ils sachent une chose : le monde est bien triste depuis qu’il ne fait plus le Jacques.
par Jean-Renaud Cuaz 25 octobre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE NOVEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 30 septembre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’OCTOBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 24 septembre 2025
Fin septembre, les Automn’Halles lanceront leur 16e édition. Seize années qu’un pari un peu fou a pris vie : celui de faire vibrer une île singulière au rythme des mots, de la lecture, de la musique et de la peinture. Depuis quatre ans, la reconnaissance officielle du Centre National du Livre est venue confirmer ce que les Sétois savaient déjà : que ce festival a gagné sa place dans le paysage littéraire national. Des partenaires fidèles — le réseau des Médiathèques de l’Agglo, le musée Paul Valéry, les librairies, le Plateau, l’Amadeus et désormais la Maison Régionale de la Mer — apportent leurs sites, leurs énergies. Grâce à eux, la littérature s’installe partout, elle respire dans chaque recoin de la ville, elle s’offre au plus grand nombre. Durant cinq jours, les auteurs se disperseront comme autant de semeurs de songes. Dans les classes, pour éveiller les élèves à la puissance des mots. Dans les espaces de rencontre, pour échanger directement avec leurs lecteurs. Dans les dédicaces, pour ce moment simple et rare où une phrase manuscrite scelle un souvenir. Le programme est riche, multiple, ouvert. Il accueille des figures déjà consacrées, et des voix nouvelles qui montent, prometteuses et fragiles. Il fait place aux auteurs et éditeurs locaux et régionaux, car la littérature vit aussi des racines qui nourrissent son terreau. Il tend la main aux talents en herbe, avec son Concours de nouvelles. Pendant cinq jours, Sète se transforme en une île de papier et de voix, où chaque rencontre devient une aventure, chaque lecture un voyage, chaque instant une célébration. Nous dédions cette édition des Automn’Halles à un auteur que nous avons accueilli au Crac en 2022. Boualem Sansal est emprisonné depuis plus de dix mois par un pouvoir totalitaire. Condamné pour exercice illégal de… sa liberté de penser et d’écrire. En appel de sa condamnation le 24 juin dernier, l’écrivain âgé et malade lâchait devant un tribunal de façade : « La Constitution garantit la liberté d’expression et de conscience et pourtant je suis là » . Yves Izard animait la rencontre avec l’auteur de Abraham ou La Cinquième Alliance paru aux Éditions Gallimard en 2020. En charge avec une équipe des Automn’Halles des relations avec les écrivains et les éditeurs, Yves va vous dire quelques mots sur cette rencontre à laquelle certains d’entre vous ont assistée. Boualem a dû laissé une belle empreinte dans vos mémoires. Les Automn’Halles… Ce pourrait être un titre-valise inventé par Erik Satie pour une de ses mystérieuses pièces musicales. On entendrait presque dans nos halles, haranguer : mercredi je peux pas, j’ai gymnopédie ! La question que vous êtes en droit de vous poser, c’est… qu’ont donc en commun Erik Satie et la littérature? Outre le fait qu’Alfred Satie, son père, fut un temps éditeur… Noble métier, s’il en est… Je répondrai qu’après tout, nous recevons samedi Hubert Haddad, l’auteur de… la Symphonie atlantique . Pour le clou de ce festival, car Il faut toujours un clou dans un festival qui se respecte, j’hésite entre… Laurent Mauvignier, l’aspirant au Goncourt, et Michel Zambrano, le sauveteur aux ondes courtes… Lequel nous lira des inédits vendredi à bord de l’Amadeus. Laurent Mauvignier, lui, nous fera l’inventaire de la Maison vide à la Maison de la Mer lors du premier grand entretien demain. L’inventaire d’une maison vide, ça devrait être court me direz-vous… Mais comme c’est Laurent Cachard qui se charge de l’animer, vous en aurez pour votre argent, même si l’entrée est gratuite. C’est simple, les Éditions de Minuit ne jurent que par Mauvignier et ne changeraient pas un traitre-mot de leur auteur fétiche. Je rapprocherais Erik Sati de… Jules Verne, dont nous accueillons samedi l’arrière-petit-fils, Jean Verne, pour les 150 ans de la parution de l’Île mystérieuse . Erik Satie prétendait faire de la musique d’ameublement, allant jusqu’à l’assimiler à du papier peint musical. De là à parler de papier peint littéraire il n’y a qu’un lai à tourner, un pas que des érudits franchissent à propos de Jules Verne. On objectera qu’il y a des papiers peints qui font voyager. Mais je préfère laisser les exzézettes , comme on dit ici, s’exprimer. Pianiste-concertiste international et musicologue, Jean-Pierre Armengaud est également l’auteur d’une colossale biographie du compositeur de Parade , que vous pouvez vous procurer ici ou à la librairie Gavaudan. Jean-Pierre Armengaud va nous rythmer cette rencontre par des illustrations musicales de Satie jouées au piano. À ses côtés, Patrice Legay animera cette soirée. Patrice est musicien et préside l’AMA Languedoc, l’association des Musiciens Amateurs du Languedoc. L’AMA Languedoc animera ici même demain de 10h à 12h une Master Classe de Jean-Pierre Armengaud avec des œuvres de Satie jouées au piano et chantées. Puis à la Médiathèque Mitterrand… le concert Erik Satie vendredi de 18h à 19h30 et la clôture des Automn’Halles dimanche à 18h, un Clin d’œil à Satie par le groupe de jazz Les Smiles. Je terminerai par un précepte que je fais mien : « Je ne me reconnais pas le droit d’abuser des instants de mes contemporains » disait le plus littéraire des compositeurs, celui qu’Alphonse Allais appelait Esoterik Satie. Merci et belles Automn’Halles à toutes et à tous ! Jean-Renaud Cuaz Président du Festival du Livre de Sète – Les Automn’Halles
par Jean-Renaud Cuaz 29 août 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE SEPTEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 15 août 2025
L’auteur ouvre son Concours de pêche en le dédiant à son ami Toto Neige, à l’origine de ce roman, ainsi qu’à tous ces clochards célestes sans lesquels il manquerait quelque chose au monde . Dans les premières pages, Alex, le narrateur nous invite à le suivre le long d’un quai avec son enfant Jonas qui découvre sous un palmier une dalle avec inscrit « ici a vécu Jonas le pêcheur ». Le Jonas que j’ai connu était l’homme le plus gentil du monde , lui dit-il. Je vais même te dire un secret, c’est grâce à lui si tu t’appelles Jonas . Il lui fait alors la promesse de lui raconter l’histoire de Jonas le pêcheur, plus tard, quand il sera plus grand. L’histoire d’un miracle . Mis sous pression par son boss , Alex croule sous un gros dossier, une de ces tours géantes qu’on aperçoit en atterrissant à Charles-de-Gaulle imaginées pour des gens qui y vivent. Son travail d’architecte c’est de faire en sorte qu’ils y restent le plus longtemps possible . La vie parisienne l’assomme, une vie au milieu de fantômes cravatés, les cernes tirés jusque là, éteints comme des cierges consumés . Un soir qu’il manque l’arrêt de sa station de métro et finit le trajet à pied, il surprend sa compagne à la terrasse d’un restaurant, dans les bras d’un autre, dont elle s’extirpe par un guttural « désolé Alex ! » . Il venait de casser sa tire-lire pour un gros diamant, décidé à lui faire sa demande dans le mois. Cinq années de vie commune partent en sucette et s’en vont valdinguer sur le trottoir. Il reconnaît pourtant qu’elle l’a libéré d’un cachot où il s’était enfermé lui-même à double-tour, en jetant la clé par la fenêtre . Un coup de pouce du destin qui le fera plonger dans l’alcool et enjamber son balcon d’où il tombera… du bon côté. jusqu’à trouver la rédemption auprès d’un réconfort maternel et d’un miroir qui renvoie l’image hirsute d’ un drôle de type . Un amour perdu peut mener à ça, une sorte de clandestinité vis-à-vis de soi-même . Et une résolution, avant que s’ouvre le chapitre paternel, Je vais voir la mer, là où est papa . La disparition du père, parti pêcher seul en mer, est l’occasion pour l’auteur, et pour Jack London, de nous rappeler, que l’on peut partir à la manière de Martin Eden, dans un océan de désespoir qui prend fin quelque part dans les abysses intimes et sourdes . La veille de son ultime sortie en mer, il avait emmené son fils pêcher au phare de Roquerols sur l’étang de Thau (…) Ses yeux étaient mouillés comme la coque d’un bateau flottant à la dérive . À Sète, en pleines festivités de la Saint-Louis, Alex revient loger sous un toit du quai d’Orient, avec sous les yeux le croisement des canaux et des ponts, et le douloureux rappel d’un lointain bonheur familial. À une encablure de là, à la terrasse animée du Barbu (devenu depuis quelques semaines le Bar Muge) Alex fait l’apprentissage auprès d’une autochtone de quelques leçons de savoir-vivre sétois, c’est-à-dire sans savoir-vivre du tout, sinon la gentillesse du cœur , qui, au réveil s’avèrent être tarifées. Plus tard et sans le vouloir, Alex le Parigot se retrouve au beau milieu d’une partie de pêche le long du canal , découvrant à la fois la scène et les acteurs d’une comédie dramatique à la sétoise. Il aura beau faire valoir une naissance des plus locales, Auguste et ses comparses le traiteront comme il se doit en île singulière, un estranger , trahi par le manque d’accent d’ici-bas. À force d’invectives et de fanfaronnades, voilà Auguste qui met au défi le plus vieux d’entre eux, surnommé le Turc , d’accrocher une dorade royale de 5 kilos, pas un de moins, prenant le quai de la République et ses flâneurs à témoins. Le Concours est lancé. L’Ancien sortira de sa torpeur pour une ultime bravade. Pour son Concours de pêche , Loris Chavanette en appelle à l’auteur du Vieil homme et la mer , autant que du vieil homme et l’amertume, ce fil discret comme un goût salé qui persiste et révèle des valeurs hemingwayennes : La perte et la privation . Alex vit avec une blessure d’enfance qui ne s’est jamais refermée : la disparition en mer de son père. Ce vide n’est pas seulement une douleur, c’est aussi une forme d’amertume envers le destin — un sentiment que la vie a triché, qu’elle lui a pris quelque chose de fondamental avant qu’il ait pu se construire. Cette aigreur se renforce au moment de la rupture amoureuse, comme une perte réveille les précédentes. Les affres du temps perdu. Le roman nous dépeint un homme qui, en revenant à Sète, mesure la distance entre ce qu’il aurait pu vivre et ce qu’il vit. Ce constat donne un ton désabusé, teinté d’une mélancolie que semble incarner Jonas l’Ancien, objet de toutes les attentions et de tous les superlatifs. Le concours, en apparence anodin, devient le théâtre de cette confrontation au temps qui passe — un temps qui n’a pas toujours été bien employé, ou qui a filé sans laisser de traces heureuses. L’âpreté des vies cabossées. Jonas, le sans-abri, incarne une autre forme d’amertume : celle des coups reçus par la vie et qui finissent par former une carapace. Derrière son pari du briquet en or, il y a sans doute des pertes, des humiliations, et la nostalgie d’un passé révolu. Ce personnage fait écho à Alex, comme un miroir de ce qu’il aurait pu devenir. Enfin, une amertume adoucie par la rencontre. Même si le roman laisse planer ce goût amer, il ne s’y enferme pas. Les dialogues colorés, les situations cocasses, la tendresse qui se noue entre Alex et Jonas viennent diluer cette sensation. On pourrait dire que le roman n’est pas une plongée dans l’amertume, mais une t entative de la transformer — comme si le sel de la mer pouvait devenir saveur plutôt que blessure. Le Concours de pêche Loris Chavanette Allary Éditions (21 août 2025) Loris Chavanette, historien et romancier, présentera son roman samedi 23 août à 11h, à bord de l’Amadeus, amarré, comme il se doit, quai de la République. Il est l’auteur de La Fantasia (Albin Michel, 2020), prix Méditerranée du premier roman.
par Jean-Renaud Cuaz 28 juillet 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AOÛT Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 juillet 2025
L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JUILLET Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
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