Sète étire au soleil son cordon sablonneux et rocheux. Longeant d’un côté la Grande bleue, avec ses plages, son théâtre, son cimetière Marin, et de l’autre, l’immense lagune de Thau et son archipel d’étangs, ses graus, ses canaux et ses longues tables conchylicoles.


Un tel décor ne pouvait que servir d’écrin foisonnant pour une présence animale aussi riche que variée, et dans lequel l’homme a de tout temps puisé et souvent abusé. De l’anémone de mer à la vive, ce poisson venimeux redouté des baigneurs mais adulé par les amateurs de bouillabaisse, les animaux marins occupent la part belle, dans les pages qui suivent, d’un inventaire plus représentatif qu’exhaustif. L’histoire de Sète est jalonnée de récits et légendes de créatures marines réelles ou fantastiques, selon l’imaginaire de l’époque. Les armoiries de la ville, présentes sur ses façades, des plus majestueuses aux plus humbles, et jusque sur ses plaques d’égout, ont du reste pour blason ici un cétacé, là un gros poisson dont la forme pourrait sortir du bestiaire biscornu né de l’imagination d’un Jules Verne méridional.

À gauche : M. Jules Verne allant recueillir aux bonnes sources des renseignements authentiques sur le monde sous-marin. Titre du journal satirique oranais L’Algérie Comique & Pittoresque qui relata la visite de Jules Verne en Algérie dans deux numéros et lui consacra sa page de couverture le 15 juin 1884. Illustration de J. Chape représentant l’auteur de Vingt Mille Lieues sous les mers assis au fond de l’eau, avec pour horizon la ville d’Oran et la colline de Santa-Cruz.


À droite : armoiries délivrées en 1743 à la ville de Cette, dont le port fut créé à partir de 1666. Elles représentent un cétacé devant le mont Saint-Clair, sous Neptune armé de son trident.

Pour les navigateurs et les pêcheurs qui les premiers l’aperçurent, la forme bosselée et allongée du mont Saint-Clair devait leur évoquer un cétacé échoué sur le sable. D’où les noms donnés au lieu : Seta , Ceta , Cetia , etc… Et Cette jusqu’en 1928, tous issus du latin cetus, lui-même issu du grec ketos, signifiant gros poisson ou monstre marin. À cela vint s’ajouter une perpétuelle joute entre Sétois sur la nature de l’animal blasonné, échouant à dégager un consensus.


Un poulpe aurait pu les départager, s’il n’était lui-même source de discorde, certes festive et carnavalesque. Animal totémique de Sète, il trône sur la place de la mairie derrière une escorte de dauphins. Le céphalopode créé par le sculpteur Pierre Nocca en 1987 est devenu, au fil de l’eau, le poufre ou pouffre, divinité pulpeuse aux huit bras tentaculaires et source d’inspiration inépuisable pour les conteurs, écrivains, artistes, cuisiniers — à l’origine de quelques fameuses recettes dont l’emblématique tielle — et mêmes chercheurs, qui lui découvrent tous les jours de nouvelles facultés cognitives.


Autre symbole, la station biologique marine de Sète. Elle offre, depuis son édification en 1879, un environnement précieux aux biologistes, témoins irrécusables de l’effondrement de la biodiversité et de l’appauvrissement des écosystèmes marins. Sentinelle de pierre, le château garde un œil sur la lagune, l’autre sur la mer.

Surnommé le jardin de la mer et classé Natura 2000, l’étang de Thau abrite un écosystème unique en Europe. Lieu privilégié pour la conchyliculture, cette remarquable réserve marine recense :

• 88 espèces de poissons dont 17 rares et 40 exceptionnelles

• 110 espèces de crustacés

• 70 espèces de mollusques

• 1 espèce d’hippocampe moucheté endémique

• 12 espèces d’échinodermes (étoiles de mer, oursins…)

• 18 espèces de cœlentérés (anémones de mer, méduses…)

• 50 espèces de vers

• 125 espèces de zooplanctons

• Plus de 100 espèces de protozoaires

• 196 espèces de végétaux aquatiques

D’un côté, l’étang de Thau, vaste réservoir de biodiversité, prend des airs de petite mer intérieure. Il suffit d’en faire le tour à vélo — plus de 60 kilomètres — pour apprécier son ampleur. Constitué de trois étendues d’eau, le grand étang, l’étang des Eaux blanches et la crique de l’Angle, il joue un rôle fondamental au cœur du territoire. Les activités économiques qu’il génère ou avec lesquelles il doit cohabiter ont inévitablement un impact sur son écosystème. Limiter le plus possible leurs effets nocifs est une priorité collective et individuelle.


De l’autre côté, le littoral méditerranéen offre un diagnostique tout aussi inquiétant pour sa biodiversité. L’abondance des populations de vertébrés y a chuté de 20 % entre 1993 et 2016, et de 52 % dans les écosystèmes marins (pélagiques et côtiers). Si les populations de thon rouge, un temps en danger, ont pu se reconstituer grâce à un plan de gestion rigoureux, d’autres espèces sont en danger. La surpêche industrielle et un plancton moins nourrissant portent un coup fatal à leur viabilité et constituent la menace la plus fréquente.


Lagunes, étangs, estuaires, deltas, marais salants, ruisseaux, canaux… Les zones humides du Midi sont parmi les écosystèmes les plus riches en diversité animale de notre planète. Pourtant, ces 50 dernières années, environ 35 % de ces zones humides ont été détruites. La pression est particulièrement forte sur celles du littoral où séjournent les oiseaux migrateurs. Inféodés aux lagunes peu profondes d’eau saumâtre et salée, ils affectionnent en particulier les salins.


Cet environnement privilégié nous assigne une responsabilité envers des espèces vulnérables et en danger. À tous les échelons des acteurs, associations, ONG, organisations locales et méditerranéennes, l’objectif doit être de partager les préoccupations, mutualiser et diffuser les connaissances, mobiliser l’énergie de chacun afin de protéger les espèces et les espaces menacés dont elles dépendent.


Un des plus vastes — environ 5 000 ha — et des plus riches espaces naturels du territoire — 124 espèces d’oiseaux et reptiles, 700 espèces végétales — le massif de la Gardiole, domine l’étang d’Ingril et les anciens salins de Frontignan. Site classé et protégé depuis 1980, ce haut lieu calcaire s’étend sur 18 km entre Montpellier et Sète et surplombe le littoral et ses lagunes.


Plus loin, reliant Sète et Marseillan sur 13 km par la côte, un cordon sablonneux cadenasse l’étang de Thau depuis quatre siècles. Seul le grau de Pisse-Saumes (nom issu du fait que les mules, les pattes dans l’eau, assouvissaient un besoin naturel en le traversant) à Marseillan plage et les canaux de Sète permettent à l’étang de bavarder avec la mer.


De part et d’autre, la réserve naturelle du Bagnas à l’ouest, la réserve naturelle nationale de l’Estagnol à l’est, et au nord le parc départemental des Bessilles assurent des oasis indispensables pour la biodiversité, reliées entre elles par un chapelet de plaines et de zones humides protégées.


Il y a 50 ans était créé un ministère en charge de la protection de la nature et de l’environnement. Peu avant, un dimanche après-midi de décembre, l’air jovial malgré les pis saturés, une vache laitière arpentait le quai de la marine de Sète. Stimulée à l’arrière par une canne peu farouche, à l’avant par une poigne à peine plus ferme, elle ne manqua pas de surprendre les Sétois attablés aux terrasses, plus habitués à la flânerie des piétons, gabians et véhicules. La ruminante était simplement victime d’une panne de la bétaillère supposée la conduire à une laiterie de la colline. Installées sur la montagnette depuis belle lurette, certaines étaient encore actives dans les années 1970.


Une autre tradition qui elle s’obstine, celle des chats arpentant les traverses de la Pointe courte. Cette presqu’île singulière, fief insoumis des Pointus, se jette dans l’étang sans trop y croire et sert de paradis terrestre aux félins errants. Dès potron-minet, ils s’en vont chercher pitance parmi les poissons débarqués, chose plus aisée que de s’en prendre aux volatiles. Le gabian, que rien n’effarouche, peut d’autant plus se reposer sur ses ailes. C’est là qu’Agnès Varda réalisa en 1955 son premier long-métrage, La Pointe courte, qui allait lancer la Nouvelle Vague du cinéma. Elle fut, disait-elle, fascinée par « la lumière écrasante » de ce « quartier insolite ».


Vous y goûterez, si la baraka vous habite, la véritable cuisine sétoise. Celle qui a puisé ses premières racines dans les plus anciennes civilisations méditerranéennes. Celle qui par la suite s’est enrichie des émigrés italiens du golfe de Naples après la révolution française et au cours du XIXe siècle, et des Pieds-noirs en 1962, rapatriés d’Algérie parfois originaires d’Italie et d’Espagne.


Une espèce ne figure pas dans ce bestiaire, le Sétoïe (prononcez sétoye) ou Sétois en occitan. Ce mammifère primate de la famille des hominidés à la peau tannée par le sel marin et à la langue qui ne connaît pas le e muet. Une espèce en danger de raréfaction au delà de l’épuisement.


Et si vous entendez parler d’une loutre à fourrure noire, qui aurait été aperçue au-dessus du cimetière Marin, ce n’est qu’une légende de plus… Il s’agirait en fait de la couleur de prédilection, l’outrenoir, d’un peintre centenaire qui, lorsqu’il n’en broie pas, se délecte d’un paysage radieux qu’il laissa aux nombreux confrères l’ayant côtoyé le soin de sublimer.


Jean-Renaud Cuaz

par Jean-Renaud Cuaz 29 novembre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE DÉCEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 13 novembre 2025
De l’obscurité des music-halls à l’obscurantisme des mollah, des Parapluies de Cherbourg aux machettes de boucher, des Tontons flingueurs aux massacreurs du Bataclan… il n’aura fallu qu’une soixantaine d’années. Les justaucorps jacquard et chapeaux melon ont fait place aux amples cafetans et coiffures d’imam qui peinent à cacher le sang d’un islamofrérisme rampant et son faux frère, l’islamo-gauchisme. Il y a quatre-vingts ans, la guerre, lassée de tant de vacarme, s’en est allée finir ailleurs. Les ondes radiophoniques, jusque-là traumatisées par les sirènes, reprennent du service : elles décident de diffuser autre chose que des alertes. Le 26 mai 1945 , on cherche un quatuor vocal pour mettre un peu de facétie. Quatre jeunes gens se présentent, aussi dégingandés qu’enthousiastes. On leur demande leur nom : ils n’en ont pas. — Appelez-nous les Frères Quelque Chose , proposent-ils avec modestie. Un technicien, homme d’un grand sens du hasard, s’écrie Les Frères Jacques ! Et l’affaire est faite, aussi vite qu’un jeu de mots en goguette. Le nom fleure bon la chanson enfantine et la plaisanterie potache, parfait pour faire les pitres avec gravité. Ils chantent, gesticulent, font le Jacques avec l’élégance d’un sémaphore en délire. Un soir, entre deux refrains et trois nœuds papillon, ils croisent Francis Blanche, qui leur écrit des textes où l’intelligence fait des claquettes. Leur premier répertoire ? Un buffet à volonté : folklore, negro spirituals, chants religieux, le tout saupoudré de synchronisation labiale approximative. En 1948 sort leur premier 78 tours, à une époque où la musique tournait plus lentement et durait plus longtemps. Le succès vient, trébuchant mais poli, et c’est Jacques Canetti qui, tel un bon génie en complet sombre, les propulse dans la lumière des projecteurs. Les voilà chantant sur des ondes enfin réconciliées avec l’humanité. Le 3 janvier 1982, un drame national — que dis-je, cosmique — s’est joué au Théâtre de l’Ouest parisien : les Frères Jacques ont décidé d’arrêter de chanter. Les âmes sensibles ont aussitôt crié au scandale, les autres ont continué à mâcher leur cacahuète, car c’était un dimanche. À la fin du spectacle, quatre chapeaux comiques ont salué le public avant de disparaître dans les coulisses. On raconte qu’ils se sont séparés pour vaquer à leurs occupations. J’en ai interrogé un : il comptait élever des silences en batterie. Un autre envisageait d’ouvrir un magasin de chaussettes pour mains, parce que les gants, c’est surfait . Pendant ce temps, leur pianiste Pierre Philippe, brave homme à doigts multiples, a décidé en 1995 de donner son dernier concert... à Saint-Bouize. Lieu prédestiné, car Saint-Bouize, comme son nom l’indique, est la capitale mondiale du soupir discret. En 1996, au Casino de Paris, on leur rend hommage. Cinq-mille spectateurs émus, pas une seule caméra. C’est dire si la télévision sait se tenir. Elle préfère filmer des débats sur la cuisson du flan plutôt que la gloire des artistes. Les années filent ensuite comme des croches sans mesure. Jean-Denis Malclès, tailleur en habits d’humour, quitte ce monde en 2002. François Soubeyran le suit de près, sans doute pour vérifier les coutures de ses ailes. Puis les frères Bellec s’en vont, l’un après l’autre, avec une ponctualité presque suisse. Paul Tourenne, fidèle jusqu’à la dernière note, s’éclipse en 2016 à Montréal — preuve que même les Jacques ont besoin d’un peu d’exil pour mourir tranquilles. Enfin, Hubert Degex, le dernier pianiste, rend les touches en 2021, à 92 ans, après avoir sans doute trouvé une partition d’éternité en ré majeur.
 La Bibliothèque historique de la Ville de Paris conserve leurs chapeaux, leurs partitions et même leurs coupures de presse — tout ce qu’il faut pour organiser un sabbat érudit. Il ne manque que le son de leurs voix et le rire suspendu entre deux couplets. Leur répertoire, quant à lui, relève de la haute voltige intellectuelle : ils ont tout chanté, du général Castagnetas à la confiture , du Complexe de la truite (de Schubert) au derrière du peuple (voir La Digue du cul , œuvre d’intérêt public). Ils ont prouvé qu’on pouvait philosopher en collant des grimaces sur des vers de Prévert, et pleurer d’émotion tout en chantant des sottises. Ainsi s’achève cette chronique du souvenir. Les Frères Jacques ? Des poètes de velours à la boutonnière, des funambules du calembour, des anges qui savaient rimer avec dingue . Et s’ils nous entendent — là-haut, dans la stratosphère mélodique — qu’ils sachent une chose : le monde est bien triste depuis qu’il ne fait plus le Jacques.
par Jean-Renaud Cuaz 25 octobre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE NOVEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 30 septembre 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’OCTOBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 24 septembre 2025
Fin septembre, les Automn’Halles lanceront leur 16e édition. Seize années qu’un pari un peu fou a pris vie : celui de faire vibrer une île singulière au rythme des mots, de la lecture, de la musique et de la peinture. Depuis quatre ans, la reconnaissance officielle du Centre National du Livre est venue confirmer ce que les Sétois savaient déjà : que ce festival a gagné sa place dans le paysage littéraire national. Des partenaires fidèles — le réseau des Médiathèques de l’Agglo, le musée Paul Valéry, les librairies, le Plateau, l’Amadeus et désormais la Maison Régionale de la Mer — apportent leurs sites, leurs énergies. Grâce à eux, la littérature s’installe partout, elle respire dans chaque recoin de la ville, elle s’offre au plus grand nombre. Durant cinq jours, les auteurs se disperseront comme autant de semeurs de songes. Dans les classes, pour éveiller les élèves à la puissance des mots. Dans les espaces de rencontre, pour échanger directement avec leurs lecteurs. Dans les dédicaces, pour ce moment simple et rare où une phrase manuscrite scelle un souvenir. Le programme est riche, multiple, ouvert. Il accueille des figures déjà consacrées, et des voix nouvelles qui montent, prometteuses et fragiles. Il fait place aux auteurs et éditeurs locaux et régionaux, car la littérature vit aussi des racines qui nourrissent son terreau. Il tend la main aux talents en herbe, avec son Concours de nouvelles. Pendant cinq jours, Sète se transforme en une île de papier et de voix, où chaque rencontre devient une aventure, chaque lecture un voyage, chaque instant une célébration. Nous dédions cette édition des Automn’Halles à un auteur que nous avons accueilli au Crac en 2022. Boualem Sansal est emprisonné depuis plus de dix mois par un pouvoir totalitaire. Condamné pour exercice illégal de… sa liberté de penser et d’écrire. En appel de sa condamnation le 24 juin dernier, l’écrivain âgé et malade lâchait devant un tribunal de façade : « La Constitution garantit la liberté d’expression et de conscience et pourtant je suis là » . Yves Izard animait la rencontre avec l’auteur de Abraham ou La Cinquième Alliance paru aux Éditions Gallimard en 2020. En charge avec une équipe des Automn’Halles des relations avec les écrivains et les éditeurs, Yves va vous dire quelques mots sur cette rencontre à laquelle certains d’entre vous ont assistée. Boualem a dû laissé une belle empreinte dans vos mémoires. Les Automn’Halles… Ce pourrait être un titre-valise inventé par Erik Satie pour une de ses mystérieuses pièces musicales. On entendrait presque dans nos halles, haranguer : mercredi je peux pas, j’ai gymnopédie ! La question que vous êtes en droit de vous poser, c’est… qu’ont donc en commun Erik Satie et la littérature? Outre le fait qu’Alfred Satie, son père, fut un temps éditeur… Noble métier, s’il en est… Je répondrai qu’après tout, nous recevons samedi Hubert Haddad, l’auteur de… la Symphonie atlantique . Pour le clou de ce festival, car Il faut toujours un clou dans un festival qui se respecte, j’hésite entre… Laurent Mauvignier, l’aspirant au Goncourt, et Michel Zambrano, le sauveteur aux ondes courtes… Lequel nous lira des inédits vendredi à bord de l’Amadeus. Laurent Mauvignier, lui, nous fera l’inventaire de la Maison vide à la Maison de la Mer lors du premier grand entretien demain. L’inventaire d’une maison vide, ça devrait être court me direz-vous… Mais comme c’est Laurent Cachard qui se charge de l’animer, vous en aurez pour votre argent, même si l’entrée est gratuite. C’est simple, les Éditions de Minuit ne jurent que par Mauvignier et ne changeraient pas un traitre-mot de leur auteur fétiche. Je rapprocherais Erik Sati de… Jules Verne, dont nous accueillons samedi l’arrière-petit-fils, Jean Verne, pour les 150 ans de la parution de l’Île mystérieuse . Erik Satie prétendait faire de la musique d’ameublement, allant jusqu’à l’assimiler à du papier peint musical. De là à parler de papier peint littéraire il n’y a qu’un lai à tourner, un pas que des érudits franchissent à propos de Jules Verne. On objectera qu’il y a des papiers peints qui font voyager. Mais je préfère laisser les exzézettes , comme on dit ici, s’exprimer. Pianiste-concertiste international et musicologue, Jean-Pierre Armengaud est également l’auteur d’une colossale biographie du compositeur de Parade , que vous pouvez vous procurer ici ou à la librairie Gavaudan. Jean-Pierre Armengaud va nous rythmer cette rencontre par des illustrations musicales de Satie jouées au piano. À ses côtés, Patrice Legay animera cette soirée. Patrice est musicien et préside l’AMA Languedoc, l’association des Musiciens Amateurs du Languedoc. L’AMA Languedoc animera ici même demain de 10h à 12h une Master Classe de Jean-Pierre Armengaud avec des œuvres de Satie jouées au piano et chantées. Puis à la Médiathèque Mitterrand… le concert Erik Satie vendredi de 18h à 19h30 et la clôture des Automn’Halles dimanche à 18h, un Clin d’œil à Satie par le groupe de jazz Les Smiles. Je terminerai par un précepte que je fais mien : « Je ne me reconnais pas le droit d’abuser des instants de mes contemporains » disait le plus littéraire des compositeurs, celui qu’Alphonse Allais appelait Esoterik Satie. Merci et belles Automn’Halles à toutes et à tous ! Jean-Renaud Cuaz Président du Festival du Livre de Sète – Les Automn’Halles
par Jean-Renaud Cuaz 29 août 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE SEPTEMBRE Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 15 août 2025
L’auteur ouvre son Concours de pêche en le dédiant à son ami Toto Neige, à l’origine de ce roman, ainsi qu’à tous ces clochards célestes sans lesquels il manquerait quelque chose au monde . Dans les premières pages, Alex, le narrateur nous invite à le suivre le long d’un quai avec son enfant Jonas qui découvre sous un palmier une dalle avec inscrit « ici a vécu Jonas le pêcheur ». Le Jonas que j’ai connu était l’homme le plus gentil du monde , lui dit-il. Je vais même te dire un secret, c’est grâce à lui si tu t’appelles Jonas . Il lui fait alors la promesse de lui raconter l’histoire de Jonas le pêcheur, plus tard, quand il sera plus grand. L’histoire d’un miracle . Mis sous pression par son boss , Alex croule sous un gros dossier, une de ces tours géantes qu’on aperçoit en atterrissant à Charles-de-Gaulle imaginées pour des gens qui y vivent. Son travail d’architecte c’est de faire en sorte qu’ils y restent le plus longtemps possible . La vie parisienne l’assomme, une vie au milieu de fantômes cravatés, les cernes tirés jusque là, éteints comme des cierges consumés . Un soir qu’il manque l’arrêt de sa station de métro et finit le trajet à pied, il surprend sa compagne à la terrasse d’un restaurant, dans les bras d’un autre, dont elle s’extirpe par un guttural « désolé Alex ! » . Il venait de casser sa tire-lire pour un gros diamant, décidé à lui faire sa demande dans le mois. Cinq années de vie commune partent en sucette et s’en vont valdinguer sur le trottoir. Il reconnaît pourtant qu’elle l’a libéré d’un cachot où il s’était enfermé lui-même à double-tour, en jetant la clé par la fenêtre . Un coup de pouce du destin qui le fera plonger dans l’alcool et enjamber son balcon d’où il tombera… du bon côté. jusqu’à trouver la rédemption auprès d’un réconfort maternel et d’un miroir qui renvoie l’image hirsute d’ un drôle de type . Un amour perdu peut mener à ça, une sorte de clandestinité vis-à-vis de soi-même . Et une résolution, avant que s’ouvre le chapitre paternel, Je vais voir la mer, là où est papa . La disparition du père, parti pêcher seul en mer, est l’occasion pour l’auteur, et pour Jack London, de nous rappeler, que l’on peut partir à la manière de Martin Eden, dans un océan de désespoir qui prend fin quelque part dans les abysses intimes et sourdes . La veille de son ultime sortie en mer, il avait emmené son fils pêcher au phare de Roquerols sur l’étang de Thau (…) Ses yeux étaient mouillés comme la coque d’un bateau flottant à la dérive . À Sète, en pleines festivités de la Saint-Louis, Alex revient loger sous un toit du quai d’Orient, avec sous les yeux le croisement des canaux et des ponts, et le douloureux rappel d’un lointain bonheur familial. À une encablure de là, à la terrasse animée du Barbu (devenu depuis quelques semaines le Bar Muge) Alex fait l’apprentissage auprès d’une autochtone de quelques leçons de savoir-vivre sétois, c’est-à-dire sans savoir-vivre du tout, sinon la gentillesse du cœur , qui, au réveil s’avèrent être tarifées. Plus tard et sans le vouloir, Alex le Parigot se retrouve au beau milieu d’une partie de pêche le long du canal , découvrant à la fois la scène et les acteurs d’une comédie dramatique à la sétoise. Il aura beau faire valoir une naissance des plus locales, Auguste et ses comparses le traiteront comme il se doit en île singulière, un estranger , trahi par le manque d’accent d’ici-bas. À force d’invectives et de fanfaronnades, voilà Auguste qui met au défi le plus vieux d’entre eux, surnommé le Turc , d’accrocher une dorade royale de 5 kilos, pas un de moins, prenant le quai de la République et ses flâneurs à témoins. Le Concours est lancé. L’Ancien sortira de sa torpeur pour une ultime bravade. Pour son Concours de pêche , Loris Chavanette en appelle à l’auteur du Vieil homme et la mer , autant que du vieil homme et l’amertume, ce fil discret comme un goût salé qui persiste et révèle des valeurs hemingwayennes : La perte et la privation . Alex vit avec une blessure d’enfance qui ne s’est jamais refermée : la disparition en mer de son père. Ce vide n’est pas seulement une douleur, c’est aussi une forme d’amertume envers le destin — un sentiment que la vie a triché, qu’elle lui a pris quelque chose de fondamental avant qu’il ait pu se construire. Cette aigreur se renforce au moment de la rupture amoureuse, comme une perte réveille les précédentes. Les affres du temps perdu. Le roman nous dépeint un homme qui, en revenant à Sète, mesure la distance entre ce qu’il aurait pu vivre et ce qu’il vit. Ce constat donne un ton désabusé, teinté d’une mélancolie que semble incarner Jonas l’Ancien, objet de toutes les attentions et de tous les superlatifs. Le concours, en apparence anodin, devient le théâtre de cette confrontation au temps qui passe — un temps qui n’a pas toujours été bien employé, ou qui a filé sans laisser de traces heureuses. L’âpreté des vies cabossées. Jonas, le sans-abri, incarne une autre forme d’amertume : celle des coups reçus par la vie et qui finissent par former une carapace. Derrière son pari du briquet en or, il y a sans doute des pertes, des humiliations, et la nostalgie d’un passé révolu. Ce personnage fait écho à Alex, comme un miroir de ce qu’il aurait pu devenir. Enfin, une amertume adoucie par la rencontre. Même si le roman laisse planer ce goût amer, il ne s’y enferme pas. Les dialogues colorés, les situations cocasses, la tendresse qui se noue entre Alex et Jonas viennent diluer cette sensation. On pourrait dire que le roman n’est pas une plongée dans l’amertume, mais une t entative de la transformer — comme si le sel de la mer pouvait devenir saveur plutôt que blessure. Le Concours de pêche Loris Chavanette Allary Éditions (21 août 2025) Loris Chavanette, historien et romancier, présentera son roman samedi 23 août à 11h, à bord de l’Amadeus, amarré, comme il se doit, quai de la République. Il est l’auteur de La Fantasia (Albin Michel, 2020), prix Méditerranée du premier roman.
par Jean-Renaud Cuaz 28 juillet 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AOÛT Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 juillet 2025
L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JUILLET Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
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