

Sur les 35 000 monuments érigés par d’anciens combattants en souvenir de leurs frères tombés au champ d’honneur, ou par les familles endeuillées, 12 d’entre eux sont néanmoins pacifistes. Ce ne sera qu’à l'orée de l’an 2000, proclamée par l’UNESCO année internationale de la Culture et de la Paix, que certaines communes se doteront d’un monument de la Paix.
Les va-t-en-paix trouveront la liste de leurs anciens monuments sur le site de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Il semble que les pensées libérées ne peuvent s’empêcher de se fédérer… Les personnalités marquantes de l’histoire de la Libre Pensée en France seraient, selon le site de la FNLP : Victor Hugo, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès, Anatole France, André Lurulot, Jean Rostand, Roger Labrusse, Alexandre Hebert et… la CGT incarnée par Marc Blondel. Il aurait été bien avisé d’y inclure Georges Brassens. Cette ligue de bienheureux a dû le considérer un poil trop libre penseur.
Car, n’en déplaise aux boutefeux, Brassens peut se targuer de faits d’armes à sa mesure. Il fut en 1963 cosignataire d’une lettre du Comité de secours aux objecteurs de conscience réclamant un statut pour que les objecteurs puissent effectuer un service civil et non militaire. Il affronta à langue raccourcie la peine de mort, en s’engageant — fait rare chez cet individualiste — dans des manifestations et signatures de pétitions. Il y consacra une chanson, La Messe au pendu, dans son album de 1976. Le 9 octobre 1981, on commua la guillotine à la réclusion. La faiseuse de veuve se trouva orpheline.
Un monument pacifiste fait chaque année furibondir (qu'on me pardonne ce mot qui rend mieux ma pensée)
nos préfets, celui de Gentioux-Pigerolles dans la Creuse. Erigé en 1923 par les anciens combattants de 14-18, il n’a jamais été officiellement inauguré. C'est un des rares monuments aux morts en France à être ignorés et méprisés par de hautes autorités embourbées dans leur guerre de tranchées. L’apologie de la paix ne fait pas bon ménage avec le coquelicot.
Voici ce que l'on trouve gravé dans son écorce de marbre :
« Si tout l’effort produit et tout l’argent dépensé pour la guerre l’avaient été pour la Paix ? Pour le progrès social, industriel et économique ? Le sort de l’humanité serait bien différent.
La misère serait en grande partie bannie de l’Univers et les charges financières qui pèseront sur les générations futures, au lieu d’être odieuses et accablantes seraient au contraire des charges bienfaisantes de félicités universelles.
MAUDITE SOIT LA GUERRE ET SES AUTEURS ! »
Ailleurs aussi, on fait la guerre à la guerre. À Saint-Ybars, dans l’Ariège, où sur le mémorial fut gravé en 2007 le nom d’un Fusillé pour l’exemple, après avis du conseil municipal et contre celui de la préfecture qui se contenta de sourciller. À La Houssière, dans les Vosges, le monument aux morts de 14-18 rend hommage à 9 Fusillés pour l’exemple, dont seulement 2 ont été réhabilités.
Ces stèles commémoratives révèlent un fait d’arme peu glorieux, lorsque 639 poilus furent fusillés pour des motifs divers : abandon de poste, mutilation volontaire, refus d'obéissance… Si Jean Jaurès fut considéré le premier exécuté pour l’exemple, nombre d’entre eux attendent une réhabilitation qui ne s’accorde qu’en tordant le bras de préfets récalcitrants, plus prompts au dépôt de gerbes et à entretenir les sentiers de la gloire. Mais l’Amicale des anciens fusillés veille à leur souvenir.



