Ils s'épanouissent à la même saison, précisément le 11 novembre, que les képiniéristes nomment Armistice. Ces monuments aux morts furent plantés sur nos places et jardins publics au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870 et surtout de la Grande Guerre de 14-18, la der des dérisoires, qui fit de la France le pays le plus âgé au monde en 1939.

Au fil des ans, les ouvrages semés sont devenus malgré eux des porte-greffes pour des conflits plus récents. Les greffons de 39-45, et ceux importés d’Indochine ou d’Algérie, sélectionnés pour leur résistance, y ont poussé avec une belle vigueur, la sève sauvageonne s’adaptant à tout type de sol lorsque nos édiles avaient la main vert kaki.

Le plus curieux des monuments, plus commémoratif que funéraire, est connu de tous sous le nom d’arc de triomphe de l’Étoile. Consacré à perpétuer le souvenir des victoires des armées de la Révolution et de l’Empire, sa construction débute en 1806 et ne porte, outre les noms des batailles, que ceux d’officiers supérieurs, qui ne sont pas tous morts au combat. Certains étaient même toujours gaillards, l’érection du monument ne s’achevant qu’en 1836.

Pour la première fois, un héros pouvait donc rendre hommage à lui-même sous un arc tétrapyle, caractéristique architecturale n’ayant rien à voir avec une quelconque invalidité. Un soldat anonyme se sacrifia lors de la Première Guerre mondiale afin que sa dépouille y soit inhumée. Une flamme du souvenir fut allumée pour la première fois le 11 novembre 1923 par le ministre de la Guerre, André Maginot, sur lequel ne figure, dans nos livres d’histoire, qu’une seule ligne.

L’autre Génie de la guerre, dont un moulage se trouve à l'intérieur de l'Arc de Triomphe, eut le crâne brisé lors d’un saccage de gilets jaunes sur le glorieux rond-point. La figure est issue du haut-relief du Départ des volontaires de 1792, aussi intitulé La Marseillaise ou Le Chant du départ, sculpté par François Rude, et situé sur la façade est. C’est l’épouse du sculpteur, Sophie Rude qui posa pour le visage. Plusieurs médias, emportés par un élan patriotique, affirmèrent par erreur qu'il s'agissait d’une allégorie de Marianne.

Sur les 35 000 monuments érigés par d’anciens combattants en souvenir de leurs frères tombés au champ d’honneur, ou par les familles endeuillées, 12 d’entre eux sont néanmoins pacifistes. Ce ne sera qu’à l'orée de l’an 2000, proclamée par l’UNESCO année internationale de la Culture et de la Paix, que certaines communes se doteront d’un monument de la Paix.


Les va-t-en-paix trouveront la liste de leurs anciens monuments sur le site de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Il semble que les pensées libérées ne peuvent s’empêcher de se fédérer… Les personnalités marquantes de l’histoire de la Libre Pensée en France seraient, selon le site de la FNLP : Victor Hugo, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès, Anatole France, André Lurulot, Jean Rostand, Roger Labrusse, Alexandre Hebert et… la CGT incarnée par Marc Blondel. Il aurait été bien avisé d’y inclure Georges Brassens. Cette ligue de bienheureux a dû le considérer un poil trop libre penseur.


Car, n’en déplaise aux boutefeux, Brassens peut se targuer de faits d’armes à sa mesure. Il fut en 1963 cosignataire d’une lettre du Comité de secours aux objecteurs de conscience réclamant un statut pour que les objecteurs puissent effectuer un service civil et non militaire. Il affronta à langue raccourcie la peine de mort, en s’engageant — fait rare chez cet individualiste — dans des manifestations et signatures de pétitions. Il y consacra une chanson, La Messe au pendu, dans son album de 1976. Le 9 octobre 1981, on commua la guillotine à la réclusion. La faiseuse de veuve se trouva orpheline.


Un monument pacifiste fait chaque année furibondir (qu'on me pardonne ce mot qui rend mieux ma pensée)

nos préfets, celui de Gentioux-Pigerolles dans la Creuse. Erigé en 1923 par les anciens combattants de 14-18, il n’a jamais été officiellement inauguré. C'est un des rares monuments aux morts en France à être ignorés et méprisés par de hautes autorités embourbées dans leur guerre de tranchées. L’apologie de la paix ne fait pas bon ménage avec le coquelicot.


Voici ce que l'on trouve gravé dans son écorce de marbre :

« Si tout l’effort produit et tout l’argent dépensé pour la guerre l’avaient été pour la Paix ? Pour le progrès social, industriel et économique ? Le sort de l’humanité serait bien différent.

La misère serait en grande partie bannie de l’Univers et les charges financières qui pèseront sur les générations futures, au lieu d’être odieuses et accablantes seraient au contraire des charges bienfaisantes de félicités universelles.

MAUDITE SOIT LA GUERRE ET SES AUTEURS ! »


Ailleurs aussi, on fait la guerre à la guerre. À Saint-Ybars, dans l’Ariège, où sur le mémorial fut gravé en 2007 le nom d’un Fusillé pour l’exemple, après avis du conseil municipal et contre celui de la préfecture qui se contenta de sourciller. À La Houssière, dans les Vosges, le monument aux morts de 14-18 rend hommage à 9 Fusillés pour l’exemple, dont seulement 2 ont été réhabilités.


Ces stèles commémoratives révèlent un fait d’arme peu glorieux, lorsque 639 poilus furent fusillés pour des motifs divers : abandon de poste, mutilation volontaire, refus d'obéissance… Si Jean Jaurès fut considéré le premier exécuté pour l’exemple, nombre d’entre eux attendent une réhabilitation qui ne s’accorde qu’en tordant le bras de préfets récalcitrants, plus prompts au dépôt de gerbes et à entretenir les sentiers de la gloire. Mais l’Amicale des anciens fusillés veille à leur souvenir.

par Jean-Renaud Cuaz 28 juillet 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AOÛT Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 juillet 2025
L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin 2025
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par Jean-Renaud Cuaz 16 avril 2025
FRANCK JALLEAU (1962-2025) Le N d’ANCT est parti. N comme Nieul-sur-l’Autise où Franck a vu le jour en 1962. Ses origines vendéennes feront dire à José Mendoza, l’un de nos professeurs un brin souverainiste, qu’il ne démériterait pas à avoir un peu plus de sang chouan. La typographie française a perdu ce 13 avril un de ses apôtres, la gravure lapidaire, un de ses artisans les plus prolifiques. Nous étions 4 mousquetaires à l’Atelier National de Création Typographique (ANCT devenu ANRT) en 1986. L’année précédente, Franck avait étrenné nos tables à dessin et inauguré le programme de réhabilitation de la typographie française. Le benjamin du quarteron en était pourtant le grand frère, animant nos fins de journée avinées aux abords de l’Imprimerie Nationale, sous le regard bienveillant de Gutenberg qui nous toisait de son regard de bronze et semblait, on l’aurait juré, opiner du chef. Un caractère bien trempé, ciselé par une passion pour la capitale romaine, dont Franck vantait à s’en arracher les cheveux la perfection millénaire. C’est à coup de maillet sur un ciseau magique qu’il ravinait la pierre avec une assurance confondante. Franck creusa son sillon avec un même aplomb au service de projets humanitaires. En témoignent les parvis du Trocadero à Paris et des Nations Unies à New York. Allez leur/lui rendre hommage en foulant leurs dalles gravées de ces capitales immuables. Lui n’a sans doute pas eu le temps de graver la sienne là où il va reposer. Nul doute qu’un de ses disciples aura répondu à l’appel pour lui offrir une stèle digne de son œuvre. Avec gravées deux dates bien trop rapprochées, à notre goût. Quand il trouvait le temps, il partait à Nieule restaurer sa tanière, une vieille demeure faite évidemment de pierres qu’il taillait et montait avec l’aide d’anciens protes devenus potes, prêts à se retrousser les manches pour lui et Sylvie. Une copine qu’il avait embarquée en mobylette à un âge où on jouait au flipper. Elle l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle. Il y avait chez Franck une rectitude dans ses choix intimes autant que professionnels, que rien ne pouvait distraire. L’enseignement sera la pierre angulaire d’une vie entièrement dédiée au partage d’un savoir-faire acquis à la force du poignet. De l’école Estienne à ses ateliers de gravure lapidaire, on aurait suivi ce gourou jusqu’au précipice. Il inspirait la confiance et un respect dont se parent les vétérans du métier. Franck n’aura pas eu besoin d’atteindre cet âge canonique pour entrer dans l’Histoire. Mais on aurait bien aimé qu’il s’en approchât. À Sylvie, Baptiste et Alice, mes tendres et affectueuses pensées. À Franck, la douloureuse gratitude d’avoir côtoyé une belle âme. Jean-Renaud
par Jean-Renaud Cuaz 29 mars 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AVRIL Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 mars 2025
Un peu d’histoire… Une page méconnue de l’histoire du port de Sète nous amène à… Fécamp, en Seine-Maritime. En 1855, trois groupements d’armateurs sétois y possédaient le quart de la flotte fécampoise des morutiers armés pour la pêche au large de Terre-Neuve. Les ketchs et autres bricks, une fois leurs cales remplies, mettaient le cap sur le détroit de Gibraltar pour décharger leur cargaison de morues dans le port de Sète. Le poisson y était salé et séché, dans une région riche en sel. Les bateaux repartaient ensuite vers Fécamp, les cales remplies cette fois de vin du Languedoc et de sel destiné au commerce. Ce négoce prospéra jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870 qui marqua un coup d’arrêt fatal. Les derniers morutiers sétois de Fécamp sont désarmés en 1890. Mais l’activité perdurera quelques dizaines d’années dans le port de Sète. À BORD DE L’AMADEUS Ce ketch aurique* est le plus vieux gréement amarré dans le port de Sète. Il fut mis à l’eau le 17 juillet 1910, sous le nom d’Agatha pour la pêche à la morue. Jean-Christophe Causse, son propriétaire depuis 1989, l’a acheté à une association de musiciens qui avait rebaptisé leur navire en hommage à Mozart.  Bienvenue à bord ! Amarré au cœur de la cité portuaire, le long du quai de la République, sur le canal Maritime, l’Amadeus vous tend sa passerelle entre les ponts de Tivoli et de la Victoire, entre mer et étang. Les mille vies que ce porte-étendard des expéditions morutières a connues feront l’objet de débats animés programmés tout le long de l’année. Les deux ponts du morutier, couvert à l’arrière, ouvert à l’avant, vous accueilleront pour des tables rondes, des dégustations de produits du terroir. * Voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l’avant. Ketch vient du mot anglais catch, signifiant prendre au sens de prise de pêche. Le gréement aurique de l’Amadeus comprend 6 voiles : mât d’artimon (une voile aurique et un flèche), mât principal (une voile aurique et un flèche) et sur le beaupré (trinquette et foc).
par Jean-Renaud Cuaz 1 mars 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE MARS Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
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