
Dans le giron de la smalah
Windsor, il est une coutume millénaire parmi d’autres : orner le nouveau souverain d’une coiffe et d’un sourire éclatants. Une enjolivure seulement autorisée par le droit d’ainesse, qu’il ne faut pas confondre avec le droit d’ânesse qui, lui, autorise baudets et bourricots à procréer à tour de patte, primogéniture ou pas.
D’un métal bien plus durable que le règne le plus long, les couronnes en or résistent à la mastication, au grincement des dents lors de lectures de tabloïds et aux fortes morsures que celles-ci génèrent. Elles sont idéales pour les monarques qui subissent des perditions capillaires ou dentaires. Car elles détournent, pour les premières, une attention planétaire, et ajoutent, pour les secondes, une touche ironique quand il s’agit de fustiger les
sans-dents. Le couronnement étant une opération festive, il ne peut, pour le patient anglais trépignant dans la salle d’attente, avoir lieu dans une période de deuil, qui s’étend généralement pendant une année, après le trépas du dernier enguirlandé.
Camilla, elle, se fera poser une couronne en diamant qu’on imagine du plus bel effet, lorsque les projecteurs et les flashs illumineront un sourire béatifié. Sa prothèse fut sortie de la vitrine de sa prédécesseure, la reine
Mary, épouse du roi
George v, pour une réinsertion opérée dans un souci de durabilité. Une première pour une reine consort depuis le
xviiie siècle, lorsque la légitime du roi
George ii,
Caroline, porta la couronne—et, selon une rumeur tabloïdeuse, les jarretelles—de
Marie de Modène. Un communiqué du palais de Buckingham avait annoncé en février dernier que la couronne de la reine
Mary
avait quitté la Tour de Londres pour subir quelques modifications par un prothésiste détenteur d’un mandat royal de la Couronne.
En rupture avec ses prédécesseurs,
Charly de Buckingham
souhaitait faire souffler un simoun de modernité, et dépouiller son sacre de
«rituels obscurs et chronophages». La liste civile de l’opération ne fait état que de
2000
témoins, contre quelques
8000
qui auparavant rongeaient leur frein en entendant la fraiseuse percer l’épaisse atmosphère de l’abbaye de Westminster, entre deux cantiques psalmodiés. Le
dress-code
aussi sera dépouillé de toutes fanfreluches ostentatoires. Resteront bannies fausses perles et perlouses. Un déridage mené rondement s’étendra jusqu’à l’onction, par une huile
100%
végétale, sans ingrédients d'origine vassale ou animale, un quasi casus belli de
Charles, passé du British racing green au vert écolo avant même sa naissance. Le Saint Chrême a été fabriqué à partir d’olives récoltées dans deux oliveraies d’un monastère du mont des Oliviers où repose
Alice de Grèce, grand-mère de
Charles iii.
L’extrait issu du pressage des olives fut parfumé, selon une formule ancestrale, d’huiles essentielles—sésame, rose, jasmin, cannelle, néroli, benjoin, ambre et fleur d’oranger—puis béni dans l’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, au cours d’une demi-douzaine de cérémonies. Une huile donc multiculturelle, séculaire et vegan selon l’étiquette imprimée avec une encre non moins bénie. Le rite le plus sacré de la cérémonie de couronnement verra les mains, la tête et la poitrine du monarque huilées comme un corps de lutteur turc avant l’étreinte. Une séance proche de celles que s’offrit le prince
Andrew
sur une île sulfureuse. La reine consort recevra l’onction avec ce qu’il restera de l’huile d’olive. Souhaitons que ce soit derrière un paravant.
Pour couronner le tout, le culte d’un monarque de droit divin serait-il plus honorable que celui d’un autocrate de droit dictatorial dès lors que le souverain deviendrait aimable à force de renoncements et de dépoussiérages ? Pour finir de battre sa coulpe, le souverain-défenseur de toutes les fois, devra allégeance à Dieu, sous peine de perdre sa légitimité. D’où sa pieuse fidélité au sacro-saint ordre des Grenouilles de bénitier et à celui des Culs-bénits. Honi soit qui mal y pense.

L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025

FRANCK JALLEAU (1962-2025) Le N d’ANCT est parti. N comme Nieul-sur-l’Autise où Franck a vu le jour en 1962. Ses origines vendéennes feront dire à José Mendoza, l’un de nos professeurs un brin souverainiste, qu’il ne démériterait pas à avoir un peu plus de sang chouan. La typographie française a perdu ce 13 avril un de ses apôtres, la gravure lapidaire, un de ses artisans les plus prolifiques. Nous étions 4 mousquetaires à l’Atelier National de Création Typographique (ANCT devenu ANRT) en 1986. L’année précédente, Franck avait étrenné nos tables à dessin et inauguré le programme de réhabilitation de la typographie française. Le benjamin du quarteron en était pourtant le grand frère, animant nos fins de journée avinées aux abords de l’Imprimerie Nationale, sous le regard bienveillant de Gutenberg qui nous toisait de son regard de bronze et semblait, on l’aurait juré, opiner du chef. Un caractère bien trempé, ciselé par une passion pour la capitale romaine, dont Franck vantait à s’en arracher les cheveux la perfection millénaire. C’est à coup de maillet sur un ciseau magique qu’il ravinait la pierre avec une assurance confondante. Franck creusa son sillon avec un même aplomb au service de projets humanitaires. En témoignent les parvis du Trocadero à Paris et des Nations Unies à New York. Allez leur/lui rendre hommage en foulant leurs dalles gravées de ces capitales immuables. Lui n’a sans doute pas eu le temps de graver la sienne là où il va reposer. Nul doute qu’un de ses disciples aura répondu à l’appel pour lui offrir une stèle digne de son œuvre. Avec gravées deux dates bien trop rapprochées, à notre goût. Quand il trouvait le temps, il partait à Nieule restaurer sa tanière, une vieille demeure faite évidemment de pierres qu’il taillait et montait avec l’aide d’anciens protes devenus potes, prêts à se retrousser les manches pour lui et Sylvie. Une copine qu’il avait embarquée en mobylette à un âge où on jouait au flipper. Elle l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle. Il y avait chez Franck une rectitude dans ses choix intimes autant que professionnels, que rien ne pouvait distraire. L’enseignement sera la pierre angulaire d’une vie entièrement dédiée au partage d’un savoir-faire acquis à la force du poignet. De l’école Estienne à ses ateliers de gravure lapidaire, on aurait suivi ce gourou jusqu’au précipice. Il inspirait la confiance et un respect dont se parent les vétérans du métier. Franck n’aura pas eu besoin d’atteindre cet âge canonique pour entrer dans l’Histoire. Mais on aurait bien aimé qu’il s’en approchât. À Sylvie, Baptiste et Alice, mes tendres et affectueuses pensées. À Franck, la douloureuse gratitude d’avoir côtoyé une belle âme. Jean-Renaud

Un peu d’histoire… Une page méconnue de l’histoire du port de Sète nous amène à… Fécamp, en Seine-Maritime. En 1855, trois groupements d’armateurs sétois y possédaient le quart de la flotte fécampoise des morutiers armés pour la pêche au large de Terre-Neuve. Les ketchs et autres bricks, une fois leurs cales remplies, mettaient le cap sur le détroit de Gibraltar pour décharger leur cargaison de morues dans le port de Sète. Le poisson y était salé et séché, dans une région riche en sel. Les bateaux repartaient ensuite vers Fécamp, les cales remplies cette fois de vin du Languedoc et de sel destiné au commerce. Ce négoce prospéra jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870 qui marqua un coup d’arrêt fatal. Les derniers morutiers sétois de Fécamp sont désarmés en 1890. Mais l’activité perdurera quelques dizaines d’années dans le port de Sète. À BORD DE L’AMADEUS Ce ketch aurique* est le plus vieux gréement amarré dans le port de Sète. Il fut mis à l’eau le 17 juillet 1910, sous le nom d’Agatha pour la pêche à la morue. Jean-Christophe Causse, son propriétaire depuis 1989, l’a acheté à une association de musiciens qui avait rebaptisé leur navire en hommage à Mozart. Bienvenue à bord ! Amarré au cœur de la cité portuaire, le long du quai de la République, sur le canal Maritime, l’Amadeus vous tend sa passerelle entre les ponts de Tivoli et de la Victoire, entre mer et étang. Les mille vies que ce porte-étendard des expéditions morutières a connues feront l’objet de débats animés programmés tout le long de l’année. Les deux ponts du morutier, couvert à l’arrière, ouvert à l’avant, vous accueilleront pour des tables rondes, des dégustations de produits du terroir. * Voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l’avant. Ketch vient du mot anglais catch, signifiant prendre au sens de prise de pêche. Le gréement aurique de l’Amadeus comprend 6 voiles : mât d’artimon (une voile aurique et un flèche), mât principal (une voile aurique et un flèche) et sur le beaupré (trinquette et foc).