« Quand la science rencontre la cause des femmes, c’est implaquable ». 
— Dr Étienne-Émile Baulieu, le père de la dragée anti-cloque, la pilule abortive plus connue sous son nom de guerre : ru-486.

Cet increvable endocrinologue et biochimiste français répondait ainsi, ce 17 janvier 2023, à une journaliste du New York Times, dans son bureau parisien de la rive gauche, donnant sur une ancienne prison du xviiie siècle où fut détenu le marquis de Sade, qui devait laisser plus d’un moussaillon dans la cale de ses chères victimes.

Alors que nous célébrons ce 8 mars les droits, longtemps bafoués, de la gent féminine et que se déversent dans nos villes des régiments de tire-au-fion accrochés à leur régime doctrinaire et à quelques mois supplémentaires de somnolence sur canapé ou de croisière cloisonnée, Étienne-Émile, 96 ans au compteur, fait du rab dans son labo de l’hôpital Bicêtre, à peine ralenti par une canne.

Un immuable instinct d’opiniâtre précurseur trouve sans doute son origine dans des gènes parentales. Son père, le Dr Léon Blum —  auquel les diabétiques auront une pensée quand ils liront son homonyme sur une plaque de rue ou de place publique — fut l’un des premiers néphrologues à prescrire l’insuline pour le diabète. Sa réputation franchit rapidement nos frontières : alors qu’il passait sa lune de miel sur le Nil avec la mère d’Étienne-Émile, il traita un roi égyptien devenu diabétique à force de loukoum et autres sucreries, dont l’activité physique devait se résumer à suivre des yeux d’affriolantes danses du ventre.

Adolescent, É.-É. transportait des armes pour la Résistance en moins de temps qu’il n’en fallait aux bourgeois alentours pour mettre une brioche dans le four de servantes corvéables à merci. Il prit sa carte au parti communiste pour la déchirer en 1956, lorsque Moscou s’en prit à la virginité de Budapest. 

Pour son rôle de premier plan dans le développement de stéroïdes synthétiques à l’origine de sa fameuse pilule, il reçut une invitation de l’université américaine de Columbia pour exercer durant une année auprès d’éminents chercheurs. Il dut attendre que l’administration Eisenhower, allergique à son passé communiste, cède la place en 1961 à un président démocrate, J. F. Kennedy, pour voir sa demande de visa finalement acceptée. Embarqué cette année-là pour New York sur un transatlantique, É.-É. rencontre une éminente historienne de l’art, Barbara Rose, qui lui présentera de prometteurs artistes, dont un qu’elle épousera, Frank Stella. « J’ai réalisé auprès de mes amis artistes la similitude de la création en science et en art », écrivit celui qui fréquenta Andy Warhol, Jasper Johns, Robert Rauschenberg… Des peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs qui inspiraient, dit-il, ses recherches scientifiques. Et entre de nébuleuses parenthèses, une liaison avec Sophia Loren, une autre avec Niki de Saint Phalle, dont les nanas avaient certainement émoustillé ses neurones fureteurs.

É.-É. fut à la fois salué comme un visionnaire par les partisans du droit à l’avortement, et vilipendé par les opposants, le présentant comme une réincarnation d’Hitler. Une accusation qu'il trouva particulièrement ironique, étant lui-même juif. Il soutenait avec force qu’au xxie siècle, « paradoxalement, la pilule abortive pourrait même aider à éliminer l’avortement en tant que problème ».

Jusque dans les années 70, les progrès de la médecine de la reproduction voisinaient avec des pratiques extrêmes d’interruption de grossesse. Quand on n’avait pas de faiseuses d’ange sous la main — Agnès Varda avoua en être — des femmes s’inséraient des bâtons pour provoquer des fausses couches et se rendaient ensuite à l’hôpital où des chirurgiens exigeaient de ne pas administrer d’anesthésie. « Donnez-lui une leçon dont elle se souviendra » avait-il entendu l’un d’eux admonester. L’idée d’une pilule de grossesse germa, une anti-hormone qui agirait comme un tour de passe-passe biologique.

Sur la table de la salle à manger, sont posés depuis peu deux cadeaux de la vice-présidente américaine Kamala Harris, un vase en verre et un de ses livres. Lors d’un voyage officiel en France en 2021, elle rencontra en privé le Dr Baulieu et son épouse. Sur la page de garde du livre — une traduction en français d’un recueil de nouvelles — elle avait écrit : « Merci pour votre amitié et pour tout ce que vous faites et représentez pour notre famille. Je vous aime, Kamala ». La défunte mère de la vice-présidente, Shyamala Gopalan Harris, chercheuse sur le cancer du sein, avait passé un an avec le Dr Baulieu et son laboratoire, dans les années 80. Il disait déjà : « Je suis optimiste parce que la science vous aide à être optimiste ».
par Jean-Renaud Cuaz 28 juillet 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AOÛT Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 juillet 2025
L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JUILLET Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 29 mai 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JUIN Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 29 avril 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE MAI Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 16 avril 2025
FRANCK JALLEAU (1962-2025) Le N d’ANCT est parti. N comme Nieul-sur-l’Autise où Franck a vu le jour en 1962. Ses origines vendéennes feront dire à José Mendoza, l’un de nos professeurs un brin souverainiste, qu’il ne démériterait pas à avoir un peu plus de sang chouan. La typographie française a perdu ce 13 avril un de ses apôtres, la gravure lapidaire, un de ses artisans les plus prolifiques. Nous étions 4 mousquetaires à l’Atelier National de Création Typographique (ANCT devenu ANRT) en 1986. L’année précédente, Franck avait étrenné nos tables à dessin et inauguré le programme de réhabilitation de la typographie française. Le benjamin du quarteron en était pourtant le grand frère, animant nos fins de journée avinées aux abords de l’Imprimerie Nationale, sous le regard bienveillant de Gutenberg qui nous toisait de son regard de bronze et semblait, on l’aurait juré, opiner du chef. Un caractère bien trempé, ciselé par une passion pour la capitale romaine, dont Franck vantait à s’en arracher les cheveux la perfection millénaire. C’est à coup de maillet sur un ciseau magique qu’il ravinait la pierre avec une assurance confondante. Franck creusa son sillon avec un même aplomb au service de projets humanitaires. En témoignent les parvis du Trocadero à Paris et des Nations Unies à New York. Allez leur/lui rendre hommage en foulant leurs dalles gravées de ces capitales immuables. Lui n’a sans doute pas eu le temps de graver la sienne là où il va reposer. Nul doute qu’un de ses disciples aura répondu à l’appel pour lui offrir une stèle digne de son œuvre. Avec gravées deux dates bien trop rapprochées, à notre goût. Quand il trouvait le temps, il partait à Nieule restaurer sa tanière, une vieille demeure faite évidemment de pierres qu’il taillait et montait avec l’aide d’anciens protes devenus potes, prêts à se retrousser les manches pour lui et Sylvie. Une copine qu’il avait embarquée en mobylette à un âge où on jouait au flipper. Elle l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle. Il y avait chez Franck une rectitude dans ses choix intimes autant que professionnels, que rien ne pouvait distraire. L’enseignement sera la pierre angulaire d’une vie entièrement dédiée au partage d’un savoir-faire acquis à la force du poignet. De l’école Estienne à ses ateliers de gravure lapidaire, on aurait suivi ce gourou jusqu’au précipice. Il inspirait la confiance et un respect dont se parent les vétérans du métier. Franck n’aura pas eu besoin d’atteindre cet âge canonique pour entrer dans l’Histoire. Mais on aurait bien aimé qu’il s’en approchât. À Sylvie, Baptiste et Alice, mes tendres et affectueuses pensées. À Franck, la douloureuse gratitude d’avoir côtoyé une belle âme. Jean-Renaud
par Jean-Renaud Cuaz 29 mars 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS D’AVRIL Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 11 mars 2025
Un peu d’histoire… Une page méconnue de l’histoire du port de Sète nous amène à… Fécamp, en Seine-Maritime. En 1855, trois groupements d’armateurs sétois y possédaient le quart de la flotte fécampoise des morutiers armés pour la pêche au large de Terre-Neuve. Les ketchs et autres bricks, une fois leurs cales remplies, mettaient le cap sur le détroit de Gibraltar pour décharger leur cargaison de morues dans le port de Sète. Le poisson y était salé et séché, dans une région riche en sel. Les bateaux repartaient ensuite vers Fécamp, les cales remplies cette fois de vin du Languedoc et de sel destiné au commerce. Ce négoce prospéra jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870 qui marqua un coup d’arrêt fatal. Les derniers morutiers sétois de Fécamp sont désarmés en 1890. Mais l’activité perdurera quelques dizaines d’années dans le port de Sète. À BORD DE L’AMADEUS Ce ketch aurique* est le plus vieux gréement amarré dans le port de Sète. Il fut mis à l’eau le 17 juillet 1910, sous le nom d’Agatha pour la pêche à la morue. Jean-Christophe Causse, son propriétaire depuis 1989, l’a acheté à une association de musiciens qui avait rebaptisé leur navire en hommage à Mozart.  Bienvenue à bord ! Amarré au cœur de la cité portuaire, le long du quai de la République, sur le canal Maritime, l’Amadeus vous tend sa passerelle entre les ponts de Tivoli et de la Victoire, entre mer et étang. Les mille vies que ce porte-étendard des expéditions morutières a connues feront l’objet de débats animés programmés tout le long de l’année. Les deux ponts du morutier, couvert à l’arrière, ouvert à l’avant, vous accueilleront pour des tables rondes, des dégustations de produits du terroir. * Voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l’avant. Ketch vient du mot anglais catch, signifiant prendre au sens de prise de pêche. Le gréement aurique de l’Amadeus comprend 6 voiles : mât d’artimon (une voile aurique et un flèche), mât principal (une voile aurique et un flèche) et sur le beaupré (trinquette et foc).
par Jean-Renaud Cuaz 1 mars 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE MARS Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 29 janvier 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE FÉVRIER Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
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