En cette période de raout quasi estival, nous avons conjecturé l’intérêt d’une notice sur le poinsettia. Elle vous sera au mieux d’un grand secours, au pire d’une fugace déréliction. Les citadins en mal de luzerne que vous êtes ne peuvent faire l’impasse sur cette euphorbe arbustive. Originaire d’Amérique centrale et du sud du Mexique, elle peut atteindre dans cette région une hauteur équivalente à celle d’une saisie moyenne de cocaïne, soit 4 à 5 m.

L’espèce communément appelée étoile de Noël serait apparue, selon une légende du xvie siècle, dans une modeste église mexicaine la veille de Noël. À genoux sur un sol recouvert de feuilles de pin, priait en sanglotant Lola, une miséreuse gamine qui mendigotait alentour. De la paroisse s’échappa, tel un cantique franciscain, une complainte enfantine implorant le bon Dieu de lui révéler comment prouver à l’Enfant Jésus l’amour qu’elle lui porte, elle qui n’a pas la moindre petite fleur à lui offrir au pied de la Crèche. À notre profond désarroi, la légende aurait pu se terminer là si, dans la fulgurance d’un éclair, n’était apparu devant Lola un ange moustachu dans un poncho immaculé et coiffé d’un sombrero du plus bel effet, affublé sur les bords de scintillantes clochettes. 

L’ange tenta de la rassurer en lui indiquant d’aller cueillir quelques végétaux au bord du chemin menant à l’église. « Mais ce sont de mauvaises herbes ! » répliqua Lola. « Les herbes qu'on appelle mauvaises ne le sont que pour ceux qui n’ont pas encore découvert ce que Dieu veut qu’ils en fassent » répondit l’ange, dont la parole se révéla plus verte que la main. L’enfant mise en confiance sortit pour réapparaître les petits bras chargés de maigres bouquets d’un herbage sans prétention. Elle déposa son insolante houppe à distance respectueuse des généreux bouquets de fleurs dont l’éclat, que cette proximité offensait, redoubla d’intensité. Les mauvaises herbes ne se troublèrent pas pour autant, allant jusqu’à leur tirer des langues de plus en plus longues et rouge, telles des langues de feu. C’est depuis ce jour qu’au Mexique, cette plante prit le nom de Flor de la Noche Buena, fleur de la Sainte Nuit.

Trois siècles s’écoulèrent au Mexique comme ailleurs quand, en 1825, un ambassadeur y fut nommé pour représenter les États-Unis auprès de cette jeune république. Son nom : Joel Roberts Poinsett. Ce ministre plénipotentiaire se trouva être un fervent botaniste ayant auparavant écumé les continents au service de son gouvernement, portant ses lettres de recommandation jusqu’au tsar Alexandre. Avant cela, à partir de 1801, Poinsett parcourt le continent européen. L’année suivante, il visite Naples puis escalade l’Etna. Au printemps 1803, il arrive en Suisse et séjourne chez Jacques Necker — ancien ministre des Finances de Louis xvi et contraint à l’exil par Napoléon — et sa fille, Madame de Staël. Au même moment, arrive chez Necker un autre Américain, Robert Livingston, le ministre des États-Unis en France, alors en tournée de stations de ski entre Savoie et Suisse. Poinsett tombait à propos pour, avec l’aide d’une Madame de Staël aux petits soins, assumer le rôle de traducteur de part et d’autre avec le plus d’entregent imaginable. Entre un Livingston dur de la feuille et un vieux Necker, dont le manque de dents rendait le discours incompréhensible. 

Notre diplomate se trouvait donc au Mexique en 1828, occupé à faire emplette de territoires pour son pays. Dans son escarcelle, ceux du Texas, Nouveau-Mexique, le nord et une partie du sud de la Californie allant jusqu’à effrontément y glisser quelques arpents en territoire mexicain (Sonora, Coahuila et Nuevo León). Une liste que balaya d’un revers de manche le ministre mexicain des Affaires étrangères. Désabusé, errant de casa del mezcal en hostería, Poinsett tomba, dans les faubourgs du sud de Mexico, nez à nez avec une langue de feu inconnue jusqu’alors, la fameuse fleur de la Sainte Nuit. Le botaniste s’empressa d’en rapporter quelques boutures dans son pays. La plante fut nommée Poinsettia et promue à une splendide carrière, d’abord en Amérique du Nord puis en Europe où des variétés aux bractées roses et blanches furent obtenues par sélection. 

Plante fragile, Euphorbia pulcherrima nécessite une vigilance de tous les instants ; la fertilisation doit être soignée, suffisante, régulière et bien équilibrée. La nature du contenant — on conseille en général l’usage d’un pot en argile — influe beaucoup sur la conduite de la fertirrigation. Une semaine après l'empotage de ce qui est devenu l’incontournable étrenne de Noël, on pince la tige au-dessus de la cinquième feuille afin d’obtenir trois à six rameaux. Comme le faisait Lola qui en pinçait pour Jésus et sa Crèche.
par Jean-Renaud Cuaz 28 juillet 2025
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par Jean-Renaud Cuaz 11 juillet 2025
L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE JUILLET Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 29 mai 2025
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par Jean-Renaud Cuaz 29 avril 2025
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par Jean-Renaud Cuaz 16 avril 2025
FRANCK JALLEAU (1962-2025) Le N d’ANCT est parti. N comme Nieul-sur-l’Autise où Franck a vu le jour en 1962. Ses origines vendéennes feront dire à José Mendoza, l’un de nos professeurs un brin souverainiste, qu’il ne démériterait pas à avoir un peu plus de sang chouan. La typographie française a perdu ce 13 avril un de ses apôtres, la gravure lapidaire, un de ses artisans les plus prolifiques. Nous étions 4 mousquetaires à l’Atelier National de Création Typographique (ANCT devenu ANRT) en 1986. L’année précédente, Franck avait étrenné nos tables à dessin et inauguré le programme de réhabilitation de la typographie française. Le benjamin du quarteron en était pourtant le grand frère, animant nos fins de journée avinées aux abords de l’Imprimerie Nationale, sous le regard bienveillant de Gutenberg qui nous toisait de son regard de bronze et semblait, on l’aurait juré, opiner du chef. Un caractère bien trempé, ciselé par une passion pour la capitale romaine, dont Franck vantait à s’en arracher les cheveux la perfection millénaire. C’est à coup de maillet sur un ciseau magique qu’il ravinait la pierre avec une assurance confondante. Franck creusa son sillon avec un même aplomb au service de projets humanitaires. En témoignent les parvis du Trocadero à Paris et des Nations Unies à New York. Allez leur/lui rendre hommage en foulant leurs dalles gravées de ces capitales immuables. Lui n’a sans doute pas eu le temps de graver la sienne là où il va reposer. Nul doute qu’un de ses disciples aura répondu à l’appel pour lui offrir une stèle digne de son œuvre. Avec gravées deux dates bien trop rapprochées, à notre goût. Quand il trouvait le temps, il partait à Nieule restaurer sa tanière, une vieille demeure faite évidemment de pierres qu’il taillait et montait avec l’aide d’anciens protes devenus potes, prêts à se retrousser les manches pour lui et Sylvie. Une copine qu’il avait embarquée en mobylette à un âge où on jouait au flipper. Elle l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle. Il y avait chez Franck une rectitude dans ses choix intimes autant que professionnels, que rien ne pouvait distraire. L’enseignement sera la pierre angulaire d’une vie entièrement dédiée au partage d’un savoir-faire acquis à la force du poignet. De l’école Estienne à ses ateliers de gravure lapidaire, on aurait suivi ce gourou jusqu’au précipice. Il inspirait la confiance et un respect dont se parent les vétérans du métier. Franck n’aura pas eu besoin d’atteindre cet âge canonique pour entrer dans l’Histoire. Mais on aurait bien aimé qu’il s’en approchât. À Sylvie, Baptiste et Alice, mes tendres et affectueuses pensées. À Franck, la douloureuse gratitude d’avoir côtoyé une belle âme. Jean-Renaud
par Jean-Renaud Cuaz 29 mars 2025
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par Jean-Renaud Cuaz 11 mars 2025
Un peu d’histoire… Une page méconnue de l’histoire du port de Sète nous amène à… Fécamp, en Seine-Maritime. En 1855, trois groupements d’armateurs sétois y possédaient le quart de la flotte fécampoise des morutiers armés pour la pêche au large de Terre-Neuve. Les ketchs et autres bricks, une fois leurs cales remplies, mettaient le cap sur le détroit de Gibraltar pour décharger leur cargaison de morues dans le port de Sète. Le poisson y était salé et séché, dans une région riche en sel. Les bateaux repartaient ensuite vers Fécamp, les cales remplies cette fois de vin du Languedoc et de sel destiné au commerce. Ce négoce prospéra jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870 qui marqua un coup d’arrêt fatal. Les derniers morutiers sétois de Fécamp sont désarmés en 1890. Mais l’activité perdurera quelques dizaines d’années dans le port de Sète. À BORD DE L’AMADEUS Ce ketch aurique* est le plus vieux gréement amarré dans le port de Sète. Il fut mis à l’eau le 17 juillet 1910, sous le nom d’Agatha pour la pêche à la morue. Jean-Christophe Causse, son propriétaire depuis 1989, l’a acheté à une association de musiciens qui avait rebaptisé leur navire en hommage à Mozart.  Bienvenue à bord ! Amarré au cœur de la cité portuaire, le long du quai de la République, sur le canal Maritime, l’Amadeus vous tend sa passerelle entre les ponts de Tivoli et de la Victoire, entre mer et étang. Les mille vies que ce porte-étendard des expéditions morutières a connues feront l’objet de débats animés programmés tout le long de l’année. Les deux ponts du morutier, couvert à l’arrière, ouvert à l’avant, vous accueilleront pour des tables rondes, des dégustations de produits du terroir. * Voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l’avant. Ketch vient du mot anglais catch, signifiant prendre au sens de prise de pêche. Le gréement aurique de l’Amadeus comprend 6 voiles : mât d’artimon (une voile aurique et un flèche), mât principal (une voile aurique et un flèche) et sur le beaupré (trinquette et foc).
par Jean-Renaud Cuaz 1 mars 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE MARS Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 29 janvier 2025
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS DE FÉVRIER Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
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