
Un singulier moteur d’avion de chasse de la Seconde Guerre mondiale exhumé non loin de Basdorf
Basdorf est un hameau de la commune de Wandlitz dans le Land allemand de Brandebourg, situé à une trentaine de kilomètres au nord de Berlin. Brassens y travailla dans le cadre du STO, le Service du Travail Obligatoire instauré durant l’occupation de la France par l’Allemagne. Le régime de Vichy dut fournir à l'occupant, entre 1942 et 1944 et contre leur gré, 150 000 ouvriers qualifiés nécessaires au fonctionnement de l'industrie de guerre allemande. En échange, 50 000 prisonniers de guerre français retenus en Allemagne furent libérés.
Georges Brassens arrive le 8 mars 1943 dans ce camp de travailleurs, adjacent à un Stalag réservé aux prisonniers de guerre. Ceux qui en ont témoigné se souviennent d'un encadrement peu sévère, malgré de sordides conditions. Avant Basdorf, Georges avait déjà écrit une vingtaine de chansons. Il y trouvera le temps d’en créer autant avant une permission qui lui offrira l’opportunité de regagner ses pénates parisiennes un an plus tard, le 8 mars 1944.
Affecté de ne plus pouvoir s’adonner à la bohème, il le sera désormais dans une usine brandebourgeoise. Astreint à l’assemblage de moteurs d'avion de chasse de la Luftwaffe, au département Aviation de BMW, la Bayerische Motoren Werke, qui ne se lancera dans l’automobile qu’après la guerre. Les arbres à cames y étaient assemblés et montés sur les fameux BMW 801 à 14 cylindres en double étoile. Puis les moteurs étaient livrés prêts à être montés dans les capots des avions et boulonnés selon un ensemble désigné Motoranlage. Les pipes d'échappement étaient fournies à part car les ingénieurs craignaient qu’elles soient subtilisées par Brassens et sa bande, qui n’hésitaient pas à les bourrer pour leur propre usage.
Tout semble indiquer que le moteur découvert dans un hangar de campagne près de Basdorf s’est trouvé sur la ligne d’assemblage de Brassens. Il reposait depuis 1943 dans son jus et dans ce qui paraît être un bidet en métal. On sait que « Bidet » était le surnom dont l’affublaient ses copains de baraque depuis qu’il goualait à la venvole une chanson paillarde glorifiant l’humble accessoire hygiénique.
Brassens n’était pas du genre à chercher noise ni querelles d’Allemand. Son credo, son confiteor, c’était semer la zizanie parmi les fesses-matthäus. Il pensait sans doute leur offrir un ultime canular — préméditant un départ sans retour chez les Ostrogoths — avant que ces ours mal léchés ne crient haro sur le Bidet.
Lequel, ne voulant pas se contenter de saboter son dernier moteur, dut juger plus pertinent de lui ajouter une touche singulière. Ainsi, tout ce qui était à portée de main se trouva vissé, soudé, encastré sans raison apparente. Brassens devait alors glousser dans sa lippe en songeant à d’anciennes facéties parisiennes. Des blagues de tourneurs à l’usine Renault de Boulogne qu’il dût quitter en un tournemain après qu’un antipathique bombardement ne la rende inutilisable.
Véritable journal de la vie à Basdorf, une notice explicative devait être jointe à sa pièce montée. Elle contenait, selon les rares témoins mis dans la confidence, quelques formules pas piquées des Teutons. Brassens y expliquait, avec force détails, la justification des ustensiles greffés dans le dos de gardiens qui fermaient les yeux sur son attitude tire-au-flanc. Aventurons-nous ici à rendre compte d’une interprétation que le quidam d’aujourd’hui serait en droit de juger abusive :
- Une cafetière vissée au ventilateur : incarnation empalée d’une corvée ? Le poète se chargeait tous les matins de faire le café pour son baraquement. Un accord collégial afin de pouvoir se lever vers quatre heures du matin et s'installer à la grande table pour lire et écrire.
- Un clairon fixé à la culasse : il sonnait obstinément le rassemblement dans la cour, jusqu’à ce qu’un Brassens mal embouché lui tordit le cou. Les marches militaires, ce n’était pas sa tasse de thé, fut-elle servie par un autre.
- Un pommeau de douche et sa chaine reliés à une durite : un ingénieux système de refroidissement de la base du moteur soumise à d’extrêmes températures quand un chasseur Tommy le mettait à rude épreuve.
- Un bidet sous le moteur : la signature du poète pour solde de tout compte ? Servant éventuellement à la vidange des huiles, il était ici, selon la notice, destiné au pilote Teuton qui, se sentant serré de près par l’obstiné Tommy, lui permettait via un conduit de se soulager proprement.
Une photo noir et blanc — illustrant une page d’histoire qui se révéla aussi riche que sombre — fut trouvée sous la bâche qui abritait le moteur. On y voit Brassens souriant devant une ligne d’assemblage et, au dos, une inscription : « Avec mon arbre à cames G Brassens ». Ce souvenir serait-il à l’origine d’une chanson quasi éponyme ? Nous serions tentés d’embrasser mordicus ce postulat en opinant du chef.

L’ŒUVRE DU TEMPS Sète, le 10 juillet 2025 Je veux parler du temps de la destruction gratuite. Ici une affiche mémorielle, là un élan bienveillant pour la promotion de l’histoire locale. Certes, le temps fait son œuvre et nous assène à tous les temps que rien ne dure. Que des valeurs humaines partent à vau l’eau, entrainées par des rivalités internes, des convoitises parmi les plus funestes. Une société d’études historiques voit son Conseil d’administration, réduit comme peau de chagrin à quatre membres, voter l’exclusion d’un président pourtant soutenu par une communauté réduite au silence. Une présidence qui s’est efforcée pendant ces 18 mois de monter avec son équipe de beaux projets. Un vote couperet avant que ne soit proposé l’élargissement du Conseil et du Bureau afin de donner plus de voix aux membres de la Sehsser. Ce déploiement n’a pu se faire, ces nouvelles voix ne pourront se faire entendre. L’ancien président qui a mené l’accusation et les arguments à charge, montre par là qu’il n’a jamais voulu céder les reines à une nouvelle gouvernance plus ouverte et déployée, à l’image des affiches exposées dans nos rues pour les 80 ans de la libération de notre île décidément bien singulière. Jean-Renaud Cuaz, Président de la Sehsser 2024-2025

FRANCK JALLEAU (1962-2025) Le N d’ANCT est parti. N comme Nieul-sur-l’Autise où Franck a vu le jour en 1962. Ses origines vendéennes feront dire à José Mendoza, l’un de nos professeurs un brin souverainiste, qu’il ne démériterait pas à avoir un peu plus de sang chouan. La typographie française a perdu ce 13 avril un de ses apôtres, la gravure lapidaire, un de ses artisans les plus prolifiques. Nous étions 4 mousquetaires à l’Atelier National de Création Typographique (ANCT devenu ANRT) en 1986. L’année précédente, Franck avait étrenné nos tables à dessin et inauguré le programme de réhabilitation de la typographie française. Le benjamin du quarteron en était pourtant le grand frère, animant nos fins de journée avinées aux abords de l’Imprimerie Nationale, sous le regard bienveillant de Gutenberg qui nous toisait de son regard de bronze et semblait, on l’aurait juré, opiner du chef. Un caractère bien trempé, ciselé par une passion pour la capitale romaine, dont Franck vantait à s’en arracher les cheveux la perfection millénaire. C’est à coup de maillet sur un ciseau magique qu’il ravinait la pierre avec une assurance confondante. Franck creusa son sillon avec un même aplomb au service de projets humanitaires. En témoignent les parvis du Trocadero à Paris et des Nations Unies à New York. Allez leur/lui rendre hommage en foulant leurs dalles gravées de ces capitales immuables. Lui n’a sans doute pas eu le temps de graver la sienne là où il va reposer. Nul doute qu’un de ses disciples aura répondu à l’appel pour lui offrir une stèle digne de son œuvre. Avec gravées deux dates bien trop rapprochées, à notre goût. Quand il trouvait le temps, il partait à Nieule restaurer sa tanière, une vieille demeure faite évidemment de pierres qu’il taillait et montait avec l’aide d’anciens protes devenus potes, prêts à se retrousser les manches pour lui et Sylvie. Une copine qu’il avait embarquée en mobylette à un âge où on jouait au flipper. Elle l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle. Il y avait chez Franck une rectitude dans ses choix intimes autant que professionnels, que rien ne pouvait distraire. L’enseignement sera la pierre angulaire d’une vie entièrement dédiée au partage d’un savoir-faire acquis à la force du poignet. De l’école Estienne à ses ateliers de gravure lapidaire, on aurait suivi ce gourou jusqu’au précipice. Il inspirait la confiance et un respect dont se parent les vétérans du métier. Franck n’aura pas eu besoin d’atteindre cet âge canonique pour entrer dans l’Histoire. Mais on aurait bien aimé qu’il s’en approchât. À Sylvie, Baptiste et Alice, mes tendres et affectueuses pensées. À Franck, la douloureuse gratitude d’avoir côtoyé une belle âme. Jean-Renaud

Un peu d’histoire… Une page méconnue de l’histoire du port de Sète nous amène à… Fécamp, en Seine-Maritime. En 1855, trois groupements d’armateurs sétois y possédaient le quart de la flotte fécampoise des morutiers armés pour la pêche au large de Terre-Neuve. Les ketchs et autres bricks, une fois leurs cales remplies, mettaient le cap sur le détroit de Gibraltar pour décharger leur cargaison de morues dans le port de Sète. Le poisson y était salé et séché, dans une région riche en sel. Les bateaux repartaient ensuite vers Fécamp, les cales remplies cette fois de vin du Languedoc et de sel destiné au commerce. Ce négoce prospéra jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870 qui marqua un coup d’arrêt fatal. Les derniers morutiers sétois de Fécamp sont désarmés en 1890. Mais l’activité perdurera quelques dizaines d’années dans le port de Sète. À BORD DE L’AMADEUS Ce ketch aurique* est le plus vieux gréement amarré dans le port de Sète. Il fut mis à l’eau le 17 juillet 1910, sous le nom d’Agatha pour la pêche à la morue. Jean-Christophe Causse, son propriétaire depuis 1989, l’a acheté à une association de musiciens qui avait rebaptisé leur navire en hommage à Mozart. Bienvenue à bord ! Amarré au cœur de la cité portuaire, le long du quai de la République, sur le canal Maritime, l’Amadeus vous tend sa passerelle entre les ponts de Tivoli et de la Victoire, entre mer et étang. Les mille vies que ce porte-étendard des expéditions morutières a connues feront l’objet de débats animés programmés tout le long de l’année. Les deux ponts du morutier, couvert à l’arrière, ouvert à l’avant, vous accueilleront pour des tables rondes, des dégustations de produits du terroir. * Voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l’avant. Ketch vient du mot anglais catch, signifiant prendre au sens de prise de pêche. Le gréement aurique de l’Amadeus comprend 6 voiles : mât d’artimon (une voile aurique et un flèche), mât principal (une voile aurique et un flèche) et sur le beaupré (trinquette et foc).